mercredi 18 janvier 2017

Présidentielle. Emmanuel Macron en marche… du pied droit


Présidentielle. Emmanuel Macron en marche… du pied droit

Olivier Morin et Maud Vergnol
Mercredi, 18 Janvier, 2017
L'Humanité
Une partie grandissante de la droite et du centre commence à rallier l’ex-ministre de l’Économie, au point d’inquiéter le clan Fillon. Parallèlement, il continue d’engranger des soutiens chez les socialistes qui voient en lui une bouée de sauvetage pour effacer l’ardoise du quinquennat.
Le vent en poupe vers le cap de la présidentielle, le navire Macron vire davantage à tribord qu’à bâbord. En témoigne le feuilleton quotidien des ralliements à cette « coalition des bonnes volontés » que serait son mouvement En marche !. Après avoir déstabilisé une candidature naturelle du Parti socialiste, l’ancien banquier de chez Rothschild tente parallèlement un hold-up sur la droite. Et beaucoup de gros poissons ont déjà mordu à l’hameçon. Parmi eux, Renaud Dutreil, ministre du Commerce, puis de la Fonction publique sous Jacques Chirac, reconverti dans les affaires chez LVMH, devenu patron de la société d’eaux en bouteille Fontaine Jolival. L’ancien ministre de l’Économie peut aussi compter sur de nombreuses personnalités du centre droit, comme Corinne Lepage, ministre de l’Environnement sous la présidence de Jacques Chirac, Serge Lepeltier, ancien maire de Bourges et ex-ministre de l’Écologie dans le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marie Cavada, présentateur de télévision et député européen de Générations citoyens, ou encore Jean-Marie Degallaix, député maire UDI de Valenciennes (Nord). Autre grosse prise : Laurent Bigorgne, directeur du très libéral Institut Montaigne, à qui l’on doit notamment d’avoir inspiré la « bombe » contre le Code du travail déclenchée par la loi El Khomri.

Des sarkozystes tentés par Emmanuel Macron

Mais l’OPA du candidat d’En marche ! ne s’arrête pas là. Porté par les sondages et la complaisance de certains grands médias, Emmanuel Macron commence à attirer les déçus de la primaire de la droite, des juppéistes jusqu’aux sarkozystes, déterminés à régler leurs comptes avec François Fillon. Patricia Balme, soutien inconditionnel de Nicolas Sarkozy et cofondatrice du « Premier Cercle » des donateurs de l’UMP (aujourd’hui LR), a ainsi rejoint les rangs d’En marche !. « L’an passé, j’ai tout donné pour Sarko, confie-t-elle à l’ Obs, mais en 2017 ce sera tout pour Macron. Je suis en train de répertorier les gens du Premier Cercle qui, comme moi, ne se retrouvent pas dans la droite filloniste. » Des comptes Twitter avec le hashtag NS 2017 (soutiens de Nicolas Sarkozy) sont devenus SPF (Sans parti fixe)… avant de passer sous la bannière En marche !.

Le milieu des affaires au garde-à-vous

L’ancien banquier de chez Rothschild peut aussi compter sur des soutiens plus officieux, notamment chez les ténors du Medef. Ceux qui, dans l’ombre, s’activent à lever des fonds pour financer la campagne d’un de leurs chevaux de course favori. Christian Dargnat, ancien patron de BNP Paribas, en a même fait son activité à plein-temps. L’ex-ministre de l’Économie peut également s’appuyer sur les réseaux d’Henry Hermand, cet homme d’affaires de 92 ans qui a fait fortune dans l’immobilier commercial, ou plus discrètement sur ceux de Claude Bébéar, fondateur d’Axa. Chez les jeunes loups, il s’est aussi assuré les ralliements de Marc Simoncini, le fondateur du site de rencontres Meetic, ou encore de Saïd Hammouche, patron du cabinet de recrutement Mozaik RH, surnommé le « DRH des banlieues ». Pierre Gattaz, lui-même, n’a d’ailleurs pas hésité, lors de ses vœux, hier, à dire tout le bien qu’il pense de la démarche de l’ancien ministre de l’Économie, jugée « intéressante » par le patron des patrons, comme l’avait fait avant lui Laurence Parisot.
Benoît d’Angelin, ponte de la finance, ancien de chez Lehman Brothers, s’efforce quant à lui d’amadouer les riches expatriés. Emmanuel Macron a en effet rencontré à plusieurs reprises des Français de l’étranger, que ce soit à Londres, de l’autre côté de l’Atlantique, ou plus récemment à Berlin. Outre des soutiens financiers substantiels, ce sont aussi des appuis politiques qu’il est allé chercher chez cet électorat qui avait placé Nicolas Sarkozy largement en tête des deux tours du scrutin présidentiel de 2012. Parmi eux, la cheffe d’entreprise établie à Londres Emmanuelle Savarit s’est félicitée sur son blog de « l’énergie » et de la « pertinence » du candidat d’En marche !
Adoubé par une partie du patronat et réceptacle des querelles de la droite, le candidat autoproclamé « antisystème » commence à représenter une menace sérieuse pour François Fillon. Un vent de panique commencerait même à souffler dans les locaux de la rue de Vaugirard. « Si Hamon ou Montebourg devait remporter la primaire, il est à craindre que l’électorat socialiste modéré (serait) tenté de rejoindre Macron, qui, du coup, pourrait se qualifier pour le second tour », s’inquiète l’un des lieutenants du candidat de la droite dans le Canard enchaîné du 11 janvier. Les porte-parole de François Fillon ne ménagent pas leurs efforts depuis quelques semaines pour rappeler à qui veut bien l’entendre que Macron ne peut pas se désolidariser du quinquennat Hollande, dont il fut l’un des principaux artisans et inspirateurs.

Une bouée de sauvetage pour les sociaux-libéraux

Cette campagne à droite toute d’un candidat qui n’hésite pas à se réclamer dans une même phrase du général de Gaulle et de l’héritage de François Mitterrand (lors de son meeting à Lille samedi dernier) ne semble pas effrayer des socialistes qui continuent d’affluer en nombre. Au contraire, les plus cyniques y voient une opportunité historique pour cette « troisième voie » que Rocard avait échoué à porter au pouvoir. Celle qui compte ratisser toujours plus large en usant de l’argument éculé du « dépassement des vieux clivages ». Une manière d’effacer à peu de frais l’ardoise du quinquennat Hollande. L’idée est séduisante. Au point que de nombreux élus et ministres socialistes commencent à envisager sérieusement un ralliement au fondateur d’En marche ! pour se refaire une virginité politique. Pire, certains n’hésitent plus à évoquer publiquement un désistement du vainqueur de la primaire socialiste au profit du « traître » Macron. La recomposition politique de la social-démocratie française est bien en marche. La question n’est plus de savoir si, mais quand elle se fera.

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