mercredi 11 janvier 2017

Présidentielle : des candidats peu bavards sur la crise agricole

Présidentielle : des candidats peu bavards sur la crise agricole

Mercredi, 11 Janvier, 2017
Humanite.fr

Le président de Jeunes Agriculteurs, Jérémy Decerle, précise que « si demain nous voulons des campagnes vivantes, des paysages diversifiés, une alimentation de qualité, il n’y a pas d’autres solutions que de maintenir des agriculteurs nombreux sur les territoires.» Photo : Loïc Venance/AFP
Le président de Jeunes Agriculteurs, Jérémy Decerle, précise que « si demain nous voulons des campagnes vivantes, des paysages diversifiés, une alimentation de qualité, il n’y a pas d’autres solutions que de maintenir des agriculteurs nombreux sur les territoires.» Photo : Loïc Venance/AFP
Alors que les difficultés du monde paysan se sont terriblement aggravées depuis deux ans du fait des politiques de libre échange intracommunautaire et planétaire, les candidats à l’élection présidentielle cherchent surtout à évacuer le sujet. Le syndicat Jeunes Agriculteurs publie un « Manifeste » afin de les interpeller.
L’élection primaire pour désigner le candidat des socialistes succède à celle de la droite qui s’est traduite par un vote très majoritaire en faveur de François Fillon. Dans un cas comme dans l’autre, on ne peut pas dire que les candidats se soient jusqu’à présent montrés soucieux du devenir de notre agriculture et par voie de conséquence de notre souveraineté alimentaire. Il y a pourtant de quoi se poser des questions chez  les décideurs politiques. En effet, la crise laitière s’est traduite par une baisse de plus de 20% du prix du lait depuis deux ans. Cette baisse est la conséquence directe de la politique de dérégulation acceptée par la France dès 2010 et appliquée depuis 2015 avec la sortie des quotas de production par pays, au nom de la libre concurrence.
Parallèlement, la chute des cours de la viande a été accentuée par une trop grande offre suite à une augmentation du troupeau laitier en Europe. Cette augmentation amène plus de vaches de réforme vers les abattoirs et plus de jeunes bovins mâles vers les ateliers d’engraissement. Le secteur qui souffre le plus de cette concurrence est celui de l’élevage des bovins à viande très développé en France puisque l’on compte chez nous 4,2 millions de mères allaitantes contre  3,7 millions de vaches laitières. Ces crises sectorielles de surproduction ont été aggravées par la décision politique des pays européens de prendre des sanctions économiques contre la Russie dès 2014, ce qui s’est traduit par un embargo russe sur produits agricoles européens, viandes et produits laitiers en tête. L’Europe vient de prolonger ces sanctions pour les six premiers mois de cette année et la France a toujours été en pointe dans ce domaine. Ajoutons que notre pays  continue de mandater la Commission européenne pour négocier des accords de libre échanges avec plusieurs pays et groupes de pays alors que l’agriculture européenne est généralement sacrifiée dans ce type de négociation au profit des firmes qui font du lobbying à Bruxelles.

"Le futur président de la République doit défendre un modèle agricole de type familial"

Même si ce contexte est insuffisamment mis en exergue par le syndicat Jeunes Agriculteurs, il convient néanmoins de saluer la publication de son manifeste intitulé :. Dans sa présentation, Jérémy Decerle pointe « une volatilité des prix qui rend l’avenir incertain, de fortes contraints environnementales, des aléas climatiques et sanitaires … ». Le président de Jeunes Agriculteurs  ajoute que « si demain nous voulons des campagnes vivantes, des paysages diversifiés, une alimentation de qualité, il n’y a pas d’autres solutions que de maintenir des agriculteurs nombreux sur les territoires. Pour réussir ce pari, le futur président de la République doit défendre un modèle agricole de type familial. Un modèle où les femmes et les hommes sont maîtres de leurs  décisions, à la fois à tête du capital, des décisions et des pratiques», poursuit Jérémy Decerle.
Voilà qui n’a guère été encouragé ces toutes dernières années par les dirigeants politiques français et européens. Du coup, les décideurs politiques n’interviennent que pour tenter d’atténuer les conséquences des crises que leurs politiques ont provoquées. « Trop souvent, les mesures prises ont tenté de répondre à des crises sans vraiment les anticiper, sans vraiment  afficher une ambition de long terme», indique le Manifeste. Il précise ensuite que « l’agriculture est une activité non délocalisable, porteuse de valeur ajoutée sur les territoires et sur le plan économique, social et environnemental. Maintenir une agriculture forte permet d’assurer un maillage économique avec de nombreux emplois à la clé, de conserver les équilibre démographiques et de contribuer à préserver l’environnement tout en garantissant notre souveraineté alimentaire ».
Le syndicat avance ensuite une série de propositions dont voici quelques tête de chapitres : « une politique agricole mettant les hommes au centre, qui rééquilibre les rapports de force dan les filières ». On sait en effet que la Loi de modernisation économique a été votée par la droite en 2008. Elle fut inspirée par le rapport Attali-Macron à la demande de Nicolas Sarkozy et sur une suggestion de Michel-Edouard Leclerc. Elle s’est traduite depuis par une pression toujours plus forte sur les producteurs de matières premières à transformer que sont aujourd’hui les paysans. Le syndicat demande aussi « une politique foncière pour les jeunes » et « une politique fiscale facilitant la transmission des exploitations ».

"Le futur président devra préserver, l’agriculture française dans les négociations internationales à venir"

Au niveau international on notera enfin cette demande sans laquelle rien de sera possible : « Le futur président de la République devra préserver, l’agriculture française dans les négociations internationales à venir. Les produits agricoles ne peuvent être considérés comme des biens de consommation au même titre que les autres. Toutes les grandes régions du monde doivent pouvoir gérer leur alimentation, leur économie, leur patrimoine agricole selon leur propre besoin et leurs propres équilibres. Ainsi, nous refusons de suivre à la lettre  les règles dictées par l’OMC, qui considère que les produits agricoles peuvent être échangés comme tout autre bien de consommation. Certains pays l’ont bien compris et n’imposent pas ces règles à leur agriculture »
Voilà qui passe « par  des relations internationales rénovées » pour reprendre l’intitulé d’un autre chapitre de ce manifeste du syndicat Jeunes Agriculteurs.       

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