mercredi 11 janvier 2017

Le discours d’adieu d’Obama : entre satisfecit et autocritique involontaire


Le discours d’adieu d’Obama : entre satisfecit et autocritique involontaire

Christophe Deroubaix
Mercredi, 11 Janvier, 2017
Humanite.fr
Photo Darren Hauck/AFP
Photo Darren Hauck/AFP
Barack Obama n’a pas, lors de sa sortie politique dans la ville qui l’a vue s’éveiller politiquement, abordé les raisons du fiasco démocrate qui a conduit Donald Trump à la Maison Blanche. Il a porté un jugement global sur ses deux mandats au terme desquels l’Amérique serait « plus forte et meilleure. » 
Huit ans trop tard. Les mots prononcés lors de son dernier discours auraient eu plus de poids et de sens s’ils l’avaient été lors de son tout premier discours de président. A Chicago, mardi soir, Barak Obama a déclaré : « Si vous êtes fatigués de discuter avec des inconnus sur Internet, essayez de parler avec quelqu’un dans la vie réelle. Si vous pensez que quelque chose ne va pas, mettez vos chaussures et mobilisez-vous. Si vous êtes déçus, prenez un bloc-notes, collectez des signatures et présentez-vous. » Et d’ajouter : « C’est (à Chicago) que j’ai appris que le changement ne se produit que si des gens ordinaires s’impliquent, s’engagent et se rassemblent pour le demander. »
La (re) découverte est tardive. Lui, président, il n’a jamais fait appel à la mobilisation populaire pour l’aider à transformer le pays, promesse centrale de sa campagne « Yes, we can ». A peine entré à la Maison Blanche, il s’est, au contraire inséré, dans le jeu traditionnel de Washington, entrant en discussion bilatérale avec le Congrès et tentant de trouver des accords avec les républicains, alors minoritaires. La plus féroce critique des progressistes américains rencontrés ces huit dernières années est celle-ci : Obama a été élu par une formidable coalition de jeunes, de femmes diplômées, de Noirs, de Latinos qu’il a immédiatement renvoyé dans ses foyers sitôt élu. Cette « méthode » a produit une réforme bancale du système d’assurance-maladie. L’ « Obamacare » ne correspondant pas à son engagement de campagne de créer, à côté des assurances privées, un système public. Libre au patient de choisir. Lors du long débat, jamais, Barack Obama n’a mis cette option sur la table. Son principal « héritage » est menacé par la nouvelle équipe au pouvoir qui fait de son abrogation l’une de ses principales priorités.
Barack Obama n’a pas, lors de sa sortie politique dans la ville qui l’a vue s’éveiller politiquement, abordé les raisons du fiasco démocrate qui a conduit Donald Trump à la Maison Blanche. Il a porté un jugement global sur ses deux mandats au terme desquels l’Amérique serait « plus forte et meilleure. » 
En conclusion, il a lancé « Yes, we did ». Un « oui, nous l’avons fait » qui entre en contradiction avec d’autres passages de son propre discours où il met l’accent sur les inégalités qui menacent la démocratie, les profondes divisions (notamment ethno-raciales) du pays. Là aussi, le réveil est tardif. Depuis son discours à la convention démocrate de 2004, Barack Obama ne cesse de répéter que le pays est un, qu’il n’existe qu’une seule Amérique. Juridiquement et institutionnellement, c’est incontestable. Or, la réalité est autre : les Etats-Unis sont plus divisés que jamais, socialement, idéologiquement, politiquement. Faute d’avoir diagnostiqué que « deux Amériques » se faisaient face, le premier président noir de l’histoire du pays n’a jamais pu (voulu ?) apporter le bon remède, laissant un goût teinté d’amertume après huit années d’exercice du pouvoir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire