mercredi 18 janvier 2017

Royaume-uni. Avec son « Brexit dur », May espère gagner sur toute la ligne


Royaume-uni. Avec son « Brexit dur », May espère gagner sur toute la ligne

Thomas Lemahieu
Mercredi, 18 Janvier, 2017
L'Humanité
Les conservateurs britanniques montrent les crocs avant les négociations avec les institutions européennes. Une manière pour eux d’arracher un accès maintenu aux marchés des capitaux, des biens et des services, tout en fermant leurs frontières aux migrants.
Retenez-la ou elle fait un malheur ! Hier midi, six mois et demi après la victoire du Brexit au référendum, Theresa May a, dans un discours présenté depuis des jours comme déterminant, choisi d’afficher la ligne « dure » que son gouvernement tiendra dans les négociations à venir sur la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Pour la première ministre, qui, dans la droite ligne de ses prédécesseurs à la tête du Parti conservateur britannique, parie sur la paralysie et la mansuétude des dirigeants des autres pays et des institutions bruxelloises, embourbés dans une crise sans précédent de l’Union européenne, le programme est très simple : obtenir l’accès le plus large possible aux marchés européens, protéger sa place forte financière – la City –, avec ses atours de paradis fiscal, et assurer la libre circulation des capitaux, des biens ou des services, sans rien donner en échange en matière de droits sociaux ou de libertés des personnes.

Les réactions virulentes en Écosse et en Irlande du Nord

Assurant « préférer qu’il n’y ait pas d’accord plutôt qu’un mauvais accord » avec l’Union européenne, Theresa May caresse, à maintes reprises, le rêve d’une Grande-Bretagne renouant avec l’âge d’or du Commonwealth, avec son rang de grande puissance qui négocie des accords de libre-échange dans le monde entier et joue d’égal à égal avec les États-Unis, la Chine et d’autres. À l’évidence, les dirigeants conservateurs britanniques tablent sur l’arrivée de Donald Trump pour tirer leur épingle du jeu. Même si Theresa May prend, en creux, ses distances avec le nouveau président états-unien : elle, elle ne veut pas que l’Europe se disloque car « le succès de l’UE reste massivement et incontestablement dans l’intérêt national supérieur de la Grande-Bretagne ».
Mais derrière cette mise en scène Theresa May cherche bel et bien à quitter l’Union européenne avec le beurre et l’argent du beurre. « Nous recherchons un partenariat nouveau et égal entre une Grande-Bretagne indépendante, autonome et globale et nos amis et alliés dans l’UE, déclame-t-elle. Pas d’appartenance partielle à l’Union européenne, pas de membre associé de l’UE, rien qui nous laisse à moitié dehors, à moitié dedans. » Dans les faits, l’accord « devrait permettre le commerce le plus libre possible des biens et des services entre la Grande-Bretagne et les États membres de l’UE. Il devrait donner aux entreprises britanniques la liberté maximale de commercer avec et de fonctionner à l’intérieur des marchés européens, et laisser les entreprises faire de même en Grande-Bretagne ». Ce qui signifie que les Britanniques ne veulent plus formellement appartenir au marché unique ou à l’union douanière, tout en conservant, à travers un vaste accord de libre-échange, leurs accès directs aux marchés européens des capitaux, des biens et des services sans obstacles ni régulations. « Notre principe directeur doit être de faire en sorte, alors que nous quittons l’Union européenne, qu’aucune barrière nouvelle pour les affaires ne soit créée au sein de notre propre union », lance la première ministre tory. Ce distinguo permet de flatter le principal ressort du vote pour le Brexit en promettant un « strict contrôle de l’immigration de l’Europe vers la Grande-Bretagne ».
De manière révélatrice, le discours de Theresa May a été chaleureusement applaudi par les tories et par l’Ukip. « J’ai du mal à croire que la première ministre emploie désormais des phrases et mots que, pendant des années, on m’a reproché d’utiliser », ricane, aux anges, Nigel Farage, l’ex-leader du parti ultralibéral et xénophobe. En revanche, Jeremy Corbyn, le leader travailliste, dénonce la « détermination de Theresa May qui veut transformer le Royaume-Uni en paradis fiscal à l’occasion du Brexit ». En Écosse et en Irlande du Nord, où les électeurs ont majoritairement voté contre le Brexit, les réactions sont virulentes. « On ne peut pas permettre au gouvernement britannique de nous sortir de l’UE et du marché unique sans tenir compte des conséquences sur notre économie, nos emplois, notre niveau de vie et notre réputation de pays tolérant et ouvert sans que l’Écosse puisse avoir la possibilité de choisir entre cela et un avenir différent », promet Nicola Sturgeon, la première ministre écossaise. Dénonçant la trahison des unionistes du mandat populaire en Irlande du Nord (lire notre encadré), Gerry Adams, le dirigeant du Sinn Féin, le parti républicain irlandais, promet de continuer d’agir pour obtenir un « statut spécial au sein de l’UE ».
Irlande du NOrd : Élections le 2 mars
Le gouvernement britannique a informé lundi soir que des élections anticipées se tiendraient le 2 mars prochain pour désigner les membres de l’assemblée d’Irlande du Nord. La région autonome connaît une crise politique depuis la démission de son poste de vice-premier ministre de Martin McGuinness, dirigeant du Sinn Féin, qui a mis fin à la coalition entre républicains et unionistes.

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