lundi 16 janvier 2017

« Nous sommes tous des faucheurs de chaises ! »

« Nous sommes tous des faucheurs de chaises ! »

 
Deux verdicts étaient attendus hier à Dax : celui de Jon Palais, faucheur de chaises, et celui de l’évasion fiscale. Le premier a été mis en délibéré jusqu’au 23 janvier, mais le parquet a plaidé une relaxe pure et simple. Deux mille manifestants se sont chargés du second.
C’est un petit salon de thé chaleureux, convivial, gourmand. Le genre de ceux que l’on trouve dans les rues commerçantes des villes de province, où les badauds s’arrêtent pour s’offrir une part de cake et un chocolat chaud en bavardant du fait du jour. Celui-ci se trouve à Dax, dans les Landes. Et hier, le fait du jour, c’était le procès de Jon Palais. Sur la vitre, à l’entrée, le patron avait placardé l’affiche de soutien au faucheur de chaises le plus populaire de France. Sur une table traînait un numéro de Sud-Ouest, publiant à sa une le portrait du militant. Et sur l’écran de télé, branché sur BFM, défilaient les images de son arrivée au palais de justice où devait se tenir l’audience, en fanfare et accompagnée d’au moins deux bon milliers de personnes. Quant aux discussions de comptoir, beaucoup tournaient autour de l’évasion fiscale et de la façon de la combattre.
Les faucheurs de chaises et leurs soutiens avaient promis de faire de ce 9 janvier un temps fort de la popularisation de la bataille contre les paradis fiscaux et ceux qui en profitent. Plus encore, ils voulaient inverser le processus, se faire arrosés arroseurs et transformer le procès de Jon Palais en celui de l’évasion fiscale. Dès le matin, c’était gagné. Comble du comble, ils ont même manqué de chaises.

L’espoir est permis pour le militant altermondialiste

Plus une place de libre, lors de la table ronde qui a vu débattre six candidats à la présidentielle ou leurs représentants. Corinne Morel Darleux était là pour Jean-Luc Mélanchon et Sandrine Charnoz au nom de Benoît Hamon. Yannick Jadot, Philippe Poutou, Pierre Larrouturou et Charlotte Marchandise, candidate citoyenne, avaient également fait le déplacement. Tous ont fustigé une évasion fiscale qui coûte entre 60 et 80 milliards d’euros aux recettes publiques françaises, 1 000 milliards d’euros à celles de l’Europe. Tous ont aussi promis de faire monter la question dans les débats de la campagne présidentielle. Beaucoup auront suivi tout cela debout. Plus une place de libre non plus, deux heures plus tard, rue des Fusillés, pleine à ras bord de pancartes et de drapeaux exigeant, aux portes du palais de justice, d’en finir avec la fraude aux impôts publics, organisée à vaste échelle par les grandes banques et les multinationales. Venus de Toulouse, Chambéry, Bayonne, Tours ou encore Paris, il y avait là Attac, Bizi !, les Amis de la Terre et Solidaires finances. L’UL CGT de Dax aussi, ou encore le PCF de Tarnos. « Nous sommes tous des faucheurs de chaises ! » ont longuement crié les manifestants. « Ce ne sont pas les faucheurs qu’il faut juger, c’est l’évasion fiscale en bande organisée ! » De fait, rappelait Jon Palais juste avant d’entrer dans le tribunal épaulé de ses avocates, Eva et Caroline Joly, « deux verdicts sont attendus aujourd’hui. Celui qui me concerne et celui qui concerne l’évasion fiscale ». Le premier a été mis en délibéré jusqu’au 23 janvier. Relaxé pour avoir refusé de fournir son ADN, le porte-parole de Bizi !, mouvement basque de lutte pour la justice climatique, devra donc attendre avant de savoir s’il est accusé de « vol organisé » pour le fauchage de 14 chaises dans une agence de la BNP Paribas, en octobre 2015 (lire l’Humanité d’hier). Mais l’espoir est permis pour le militant altermondialiste, le parquet ayant requis une « dispense de peine ».

Faire tourner le vent de la colère dans le bon sens

Les manifestants se sont chargés eux-mêmes de la seconde sentence. « Nous sommes écœurées », résumaient Michèle et Sophie, de Saint-Paul, dans les Landes, dont c’était la première manifestation sur le sujet. « Voir que l’on poursuit un militant, alors que dans le même temps des Woerth, Lagarde ou Cahuzac restent impunis et que l’évasion fiscale pèse sur nos systèmes de santé ou d’éducation n’est qu’une vaste injustice. »
Faire tourner le vent de la colère dans le bon sens et le transformer en un mouvement positif, visant la justice fiscale et sociale, c’est aussi la volonté exprimée hier à Dax. « Jusqu’ici, parler d’évasion fiscale ramenait souvent à parler des people qui en croquent », relève ainsi Erwan, militant de Solidaires finances publiques et d’Attac. « Aujourd’hui, cette question commence à s’incarner autour d’enjeux concrets. Et l’action des faucheurs de chaises permet de la changer en intervention citoyenne. »

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