jeudi 21 janvier 2016

Belgique. La gauche veut s’attaquer au dumping fiscal

Belgique. La gauche veut s’attaquer au dumping fiscal

Thomas Lemahieu
Jeudi, 21 Janvier, 2016
L'Humanité

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Manifestation des salariés belges, en octobre 2014, contre le système dit des « intérêts notionnels ».
Photo : Dursun Aydemir/Anadolu Agency/Imageforum
Alors que l’État a été condamné à rembourser une multinationale, le Parti du travail de Belgique demande l’abrogation des intérêts notionnels, qui ont déjà coûté 40 milliards d’euros en dix ans.
La décision n’a pas fait grand bruit en Belgique, ni a fortiori dans le reste de l’Union européenne. Elle est pourtant emblématique. Le 14 janvier, la cour d’appel d’Anvers a condamné l’État belge à rembourser au géant finlandais de l’énergie Fortum la facture d’un redressement fiscal de 160 millions d’euros avec, en sus, 40 millions d’euros d’intérêts. En première instance, la justice avait suivi l’avis de l’inspection spéciale des impôts arguant que la société n’avait ni activités économiques ni personnel sur le territoire belge et qu’elle avait abusé d’un avantage fiscal accordé aux centres financiers des très grandes entreprises ayant des boîtes aux lettres dans le pays. Mais le jugement a donc été cassé en appel et, du côté des multinationales, on fait sauter les bouchons de champagne : selon une avocate d’affaires, « cela signifie que les entreprises ont le droit de monter un véhicule financier pour pouvoir exploiter l’avantage de la déduction des intérêts notionnels sans que cela puisse être considéré comme un abus ».

Grosses pertes pour les finances publiques belges

Bien connu des as de l’optimisation fiscale, le système dit des « intérêts notionnels », mis en place par les autorités belges il y a dix ans jour pour jour, permet aux multinationales de faire rétrécir leurs impôts en jouant sur le dumping fiscal acharné existant au sein même de l’Union européenne. Il a, par la même occasion, fait rentrer le pays dans le cercle de plus en plus élargi des paradis fiscaux. D’après le Parti du travail de Belgique (PTB), qui a déposé hier une proposition de loi visant à abroger les intérêts notionnels, le mécanisme a, en dix ans, généré 40 milliards d’économies d’impôts pour des multinationales, et donc de pertes pour les finances publiques belges, mais également pour celles des pays, tels que la France, l’Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni, les États-Unis et bien d’autres encore, où leurs activités, principales ou historiques, se déroulent. Citant les cas de Danone, EDF ou encore Engie qui, par le biais de filiales financières avec une poignée de salariés en Belgique, réalisent de grosses économies d’impôts, l’organisation de gauche radicale compte aiguiser l’exaspération croissante contre un régime fiscal très décrié, jusque dans les rangs de la coalition néolibérale au pouvoir. « Les intérêts notionnels sont une sorte de Frankenstein, un monstre dont le créateur, le législateur, a perdu le contrôle et qui crée un carnage récurrent dans les finances publiques, relève le député PTB Marco Van Hees. Leur place est au musée des atrocités fiscales. Un jour, les visiteurs de cet hypothétique musée se demanderont, interloqués, comment on a pu déraper à ce point pour préserver les privilèges de quelques multinationales. »

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