lundi 18 janvier 2016

Que cachent les vides sanitaires prolongés dans la filière du foie gras ?

Que cachent les vides sanitaires prolongés dans la filière du foie gras ?

Gérard Le Puill
Lundi, 18 Janvier, 2016
Humanite.fr

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Photo Rémy Gabalda/AFP
Alors que le président de la République endosse aujourd’hui le costume de ministre du Travail afin de présenter un plan de plus dans le but « d’inverser la courbe du chômage », la filière « foie gras » du Sud Ouest de la France pourrait temporairement supprimer 30.000 emplois et en impacter 100.000 autres durant plusieurs mois en cette année 2016.
Pour lutter contre l’influenza aviaire qui a touché plusieurs élevages de volailles,  notamment de canards gras sur 14 départements, une réunion s’était tenue au début d la semaine dernière à la préfecture du département des Landes. Les éleveurs du MODEF avaient proposé des vides sanitaires prolongés à quatre semaines au lieu de deux. Le syndicat paysan  proposait aussi de les rendre tournants dans les départements de la région. La proposition faisait consensus, y compris de la part des éleveurs affiliés à la FDSEA.
Deux jours plus tard à Paris, lors d’une rencontre avec les autorités sanitaires, les représentants du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras ont accepté un arrêt brutal de la production. Dans ce comité figurent à la fois les accouveurs, les éleveurs du syndicalisme majoritaire via Confédération française de l’aviculture, les industriels de la transformation et les artisans conserveurs du grand Sud Ouest.
Au cours de cette réunion il a été décidé de recourir dans chaque élevage à un vide sanitaire prolongé. Dans chaque ferme, ce vide sanitaire doit durer au minimum le temps que dure l’élevage et le gavage d’une bande de canards ou d’oies, soit de l’ordre de douze à quatorze semaines  en moyenne.
Un éleveur qui devait rentrer une nouvelle bande de canetons au début du mois de février après avoir vendus sa dernière bande de canards gras au début de janvier devra attendre fin mai ou début juin pour être livré en canetons d’un jour. Celui qui vient d’être livré voilà une semaine pourra élever et gaver ses animaux mais subira la punition durant douze à quatorze semaines après sa prochaine livraison.
D’une certaine manière, il y aura toujours des canards ou des oies dans certains élevages tandis que d’autres seront vides. Dès lors, on peut se demander si l’efficacité sanitaire de ce dispositif sera meilleure que celui proposé en préfecture des Landes par le MODEF. Partant de ce constat, Christophe Mesplède, président du MODEF des Landes, se demande si le fait d’imposer l’impasse sur une bande de canards ou d’oie dans tous les élevages en 2016 n’obéit pas à d’autres motifs que la raison sanitaire invoquée.
En effet, dans toute la région coexistent des petites et des grandes structures dans la filière du foie gras. Certains producteurs transforment et vendent directement leur production tandis que d’autres sont en contrat avec des grandes structures comme la coopérative Euralis qui commercialise les marque Delpeyrat et comtesse Du Barry. Mais le groupe Euralis est structuré comme une multinationale avec des filiales à l’étranger, du Canada à la Bulgarie. Il se dit aussi que le groupe coopératif a de gros stocks de foie gras et de magret et qu’il ne serait pas mécontent qu’un vide sanitaire prolongé, imposé à tous les éleveurs, lui permette de désengorger ses chambres froides dans les prochains mois.
Parce la décision parisienne est en totale contradiction avec ce qui semblait faire consensus dans les Landes, le MODEF appelle à une manifestation mercredi 20 janvier à 14 heures devant la chambre d’Agriculture du département à Mont-de-Marsan.
Car les conséquences de cet arrêt à la fois prolongé et échelonné de la production aura de multiples conséquences. Les éleveurs perdront au moins une bande de canards ou d’oies, voire davantage. Cela se traduira par une  perte sensible de revenu, sans compter que le maïs -dont les prix sont bas cette année- est mieux valorisé dans l’élevage qu’en vente à la coopérative . Les transporteurs de poussins, de volaille grasse et d’aliments du bétail vont subir une baisse sensible de leur activité et mettre en place du chômage partiel dans un premier temps. Il en ira de même dans les structures d’abattage et de transformation.
Dans un communiqué daté du 15 janvier, la Confédération française de l’aviculture demande « que le gouvernement mette en place très rapidement un plan d’accompagnement d’envergure. Ce plan d’aides indispensables doit pouvoir être accompagné par Bruxelles. Il en va de la survie de nombreux éleveurs et entreprises avicoles françaises », affirme cette association spécialisée de la FNSEA.
 
Mais au MODEF des Landes on se pose d’autres questions après la décision prise à Paris entre les autorités sanitaires, surprises paraît-il, de la bonne volonté  des représentants des gros élevages et des grosses structures de transformation en faveur d’un arrêt durable de la production de foie gras. Au point de se demander s’il ne faut pas voir là un moyen de restructurer la filière en faveur des gros élevages qui nécessitent des investissements trop lourds  pour les exploitations familiales. Dans les grosses structures comme Euralis on n’aime guère l’indépendance des paysans  que l’on transformerait volontiers en « gaveurs à façon » après leur avoir soustrait l’élevage des palmipèdes en amont de cette finition qui demeure une astreinte.  Pour toutes ces raisons, on attend beaucoup de monde mercredi en début d’après midi devant la chambre d’Agriculture des Landes. 

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