mardi 19 janvier 2016

Toute une école se bat pour Monsieur Gao


Toute une école se bat pour Monsieur Gao

PIERRE DUQUESNE
MARDI, 19 JANVIER, 2016
L'HUMANITÉ

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Les parents d’élèves solidaires d’un sans-papier occupent l’école polyvalente de la rue Pajol dans le 18e à Paris.
Photo : Francine Bajande
Ce parent d’élève chinois, en rétention depuis le 23 décembre, est soutenu par l’école Pajol (Paris 18e). Une lutte exemplaire.
Les histoires de Tom-Tom et Nana côtoient, sur une étagère de l’entrée, un imposant mégaphone. L’école Pajol, dans le 18e arrondissement de Paris, est en pleine effervescence. Depuis vendredi, l’établissement est occupé 24 heures sur 24 par les parents d’élèves mobilisés pour obtenir la libération de « Monsieur Gao », comme on l’appelle dans la salle des maîtres, squattée en permanence.
En France depuis 2011 et père d’une élève de l’école, Gao Peng a été interpellé le 23 décembre et placé au centre de rétention de Vincennes. Il a été arrêté devant une blanchisserie où, selon la préfecture, il travaillait au noir. « Cela fait des années que nous n’avons pas vu des parents d’élèves scolarisés menacés d’expulsion à Paris », déplore Yves Coleman, du Réseau Éducation sans frontières, très inquiet. Le juge des libertés et de la détention s’est prononcé dimanche pour sa libération, mais le parquet a immédiatement fait appel. Son cas sera à nouveau examiné aujourd’hui. Gao Peng risque d’être expulsé à tout moment, parce qu’il est en « situation irrégulière ».
En attendant, c’est la vie de sa fille, W., en grande section de maternelle, qui n’a plus rien de normal. « Mais où est passé son papa ? » ont demandé ses copains de classe. La fillette, elle, a ressenti l’angoisse de sa mère, qui parle peu français, après la disparition soudaine de son mari. Enceinte de deux mois, celle-ci s’est retrouvée seule à l’hôpital, face à de sérieuses complications de grossesse. « Une enfant de son âge ne doit pas connaître ça pour bien grandir », déplore Nai Tik, un parent proche de la famille Gao. Arrivée en 2015, cette petite fille « très joyeuse » sera un jour brillante, prédit Catherine Minard, enseignante de la fillette. « Elle apprend. Elle est contente d’apprendre et nous le montre chaque jour. » Sa famille s’est investie dans l’école, malgré la barrière de la langue. La mère suit des cours de français dans le 19e et participe aux « papothèques », ces réunions organisées pour faciliter les relations parents-école.
L’arrestation percute de plein fouet le travail de cette école innovante. « Une de nos priorités est de bâtir une relation de confiance avec les parents pour qu’ils participent à la réussite de leurs enfants », explique la directrice Véronique Rivière. Des réunions spécifiques sont organisées dans ce but avec les familles d’origine étrangère, avec l’appui d’interprètes. Ceux-ci interviennent aussi en classe pour favoriser l’arrivée des enfants allophones. Bref, une formidable fabrique de la fraternité. Laquelle s’affiche sur la porte de l’école. Un texte en arabe y bat le rappel pour soutenir Gao Peng, sans-papiers chinois, au nom des valeurs de la République.

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