lundi 25 janvier 2016

Il visite sa mère et finit assigné à résidence...

Il visite sa mère et finit assigné à résidence...

Laurent Mouloud
Lundi, 25 Janvier, 2016
L'Humanité

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Accusé d’être un isla iste radical et dangereux, Halim A. était obligé de pointer trois fois par jour au commissariat.
Photo : Pierre Verdy/AFP
Le Conseil d’État a suspendu, pour la première fois, une assignation à résidence abusive. Un signal positif alors que les défenseurs des libertés publiques vont tenter, cette semaine, de faire vaciller l’état d’urgence.
Cette fois, ce n’est pas une association de défense des droits de l’homme qui le dit. Mais les magistrats de la plus haute juridiction administrative. Vendredi, le Conseil d’État a sévèrement épinglé l’assignation à résidence de Halim A. et décidé, pour la première fois depuis l’instauration de l’état d’urgence, sa suspension immédiate ainsi que la condamnation de l’État à lui verser 1 500 euros pour « atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir ».
Accusé par la police d’être un islamiste radical et dangereux, ce gérant d’une société de dépannage de deux-roues, à Paris, était obligé, depuis le 15 décembre 2015, de pointer trois fois par jour au commissariat de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne). Le Conseil d’État a décortiqué les arguments du ministère de l’Intérieur et les a démontés un à un. Pour la juridiction, « aucun élément suffisamment circonstancié ne permet de justifier » l’accusation de dangerosité.
Les autorités affirmaient notamment que Halim A. avait été signalé le 13 mai prenant des « photos » aux abords du domicile d’un journaliste de Charlie Hebdo. En fait, les magistrats ont établi avec certitude que, non seulement l’homme rendait simplement visite à sa mère habitant « à proximité immédiate », mais que, en plus, il n’avait à aucun moment pris de photos. Si l’intéressé tenait devant lui son téléphone, c’est tout bonnement que ce dernier était branché en mode haut-parleur, plus commode pour parler lorsque l’on a un casque de scooter sur la tête… Une position qui a été « confondue avec celle d’une personne prenant des photographies », déplore le Conseil d’État.
À en croire les policiers, Halim A. aurait également été « mis en cause » dans un trafic de voitures de luxe animé par des membres de la mouvance islamiste. Une accusation basée seulement sur des « notes blanches » des services de renseignements, ni datées ni signées. En fait, l’homme n’avait été entendu que comme témoin en 2008 dans ce dossier, « dont rien ne prouve avec certitude qu’il est lié à l’islamisme radical », assène le Conseil d’État. Les avocats de Halim A., William Bourdon et Vincent Brengarth, ne cachent pas leur satisfaction. Cette suspension d’assignation à résidence « a été obtenue au prix d’une mobilisation non-stop, pendant plusieurs jours, pour démonter l’arbitraire », ont-ils précisé, comparant les notes blanches à des « lettres de cachet » permettant de « criminaliser qui on veut, comme on veut, quand on veut ».

Le collectif Nous ne céderons pas ! appelle à une manifestation

Cette décision tombe, en tout cas, à point nommé pour les défenseurs des libertés publiques, qui vont tenter, cette semaine, de faire vaciller l’état d’urgence dont l’Élysée souhaite prolonger la durée de trois mois, au-delà du 26 février, avant de l’inscrire dans la Constitution. Demain, le Conseil d’État devra examiner la demande de la Ligue des droits de l’homme visant à lever, en totalité ou partiellement, cet état d’exception. Avec un argument simple : justifié juste après les attentats du 13 novembre 2015 qui ont fait 130 morts, l’état d’urgence qui donne des pouvoirs étendus à la police pour perquisitionner, assigner à résidence ou encore interdire de manifester n’est plus nécessaire. Sans augurer de sa réponse, le Conseil d’État semble, en tout cas, prêt à exercer un œil critique sur ces dispositifs dérogatoires… Ce combat juridique sera ensuite relayé le samedi 30 janvier dans la rue. Le collectif Nous ne céderons pas !, qui regroupe 111 associations et 19 syndicats, appelle à manifester à Paris, sur la place de la République, ainsi que dans tout le pays.

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