jeudi 21 janvier 2016

Moyen-Orient. Le son du canon pour couvrir l’échec politique

Moyen-Orient. Le son du canon pour couvrir l’échec politique

Pierre Barbancey
Jeudi, 21 Janvier, 2016
L'Humanité

Les pays engagés de la coalition se sont réunis à Paris. Sous le couvert militaire pointent la préoccupation politique et l’affirmation d’une présence renforcée en Irak comme en Syrie sous prétexte de lutte contre Daech.
Les ministres de la Défense des sept pays les plus engagés dans la campagne aérienne de la coalition formée par les États-Unis et dans laquelle on trouve la France, l’Australie, le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et les Pays-Bas, tous membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan), se sont retrouvés hier à Paris pour discuter stratégie militaire et poser les jalons d’une éventuelle « accélération de tempo » dans la lutte officiellement menée contre l’organisation dite de l’« État islamique ». Selon le ministre britannique de la Défense, Michael Fallon, l’organisation djihadiste a perdu 25 % du territoire qu’elle contrôlait en Irak et 10 % en Syrie. Il est temps de capitaliser sur ces récents revers et de « resserrer l’étau autour de la tête du serpent » à Raqqa, capitale autoproclamée de l’EI en Syrie, a-t-il dit à Paris. Le nombre de frappes « peut encore sans doute s’accélérer, mais c’est vrai que la coalition fonctionne selon des normes de dommages collatéraux qui sont extrêmement exigeantes, indique-t-on dans l’entourage du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Il ne s’agit pas de bombarder tous azimuts mais de répondre à un impératif militaire qui est celui de la désorganisation du commandement et la privation des ressources économiques de Daech ». Au ministère, on affirme vouloir « vérifier quelles sont les modalités politiques, militaires et matérielles qui nous permettront de remplir notre objectif, qui est commun, d’accélération, d’intensification de la campagne contre Daech ».
Côté américain, Ashton Carter a souhaité, avant la réunion, que « le nombre et la variété » des formateurs envoyés par les pays de la coalition « augmente », afin de donner de vrais savoir-faire antiterroristes aux soldats mais aussi aux policiers irakiens. Les États-Unis veulent aussi inciter les pays de la coalition, y compris ceux du Golfe, à faire plus au Levant. Selon Carter, la coalition a besoin de moyens de reconnaissance aérienne (ISR, avions ou drones), de forces spéciales, de moyens de transport et de logistique.

« Les bombardements russes nous dérangent de plus en plus »

Il est intéressant de noter que la coalition affirme concentrer désormais ses efforts sur les « infrastructures financières » et sources de revenus du groupe djihadiste. En deux mois, ces revenus ont été réduits de 30 %, avec une chute de la production de pétrole locale de 45 000 à 34 000 barils par jour, affirme Washington. Preuve que ces infrastructures n’avaient pas été visées au début du déclenchement de l’opération, sinon tout le potentiel aurait quasiment été détruit. Bien que cette même coalition, par la voix du ministre britannique, affirme que « les bombardements russes nous dérangent de plus en plus », on peut penser que ce sont bien les frappes de Moscou sur les convois pétroliers de Daech qui incitent maintenant les Occidentaux à faire plus dans ce domaine.
Car, en réalité, la stratégie militaire, comme on pouvait s’en douter, est bien liée à une stratégie politique. Sur le terrain, les groupes se revendiquant de la fameuse Armée syrienne libre (ASL) sont pratiquement inexistants. Outre Daech, on ne trouve en réalité pratiquement que des formations islamistes, dont le Front al-Nosra, branche d’al-Qaida en Syrie, que les Occidentaux tentent, sans vergogne, de rallier à leur stratégie. D’où cette campagne par médias interposés, visant à dénoncer les frappes russes sur des objectifs autres que l’EI et à ne prendre en compte que les souffrances des populations piégées dans des zones tenues par des islamistes et encerclées par l’armée syrienne.
De la situation sur le terrain dépendra la tenue des pourparlers intersyriens, prévus lundi à Genève mais fortement compromis. D’abord parce que les Occidentaux et leurs alliés saoudiens et turcs (qui laissent toujours passer les djihadistes à raison d’une centaine par semaine mais prétendent maintenant vouloir former des combattants arabes sur le sol syrien) veulent renforcer la partie de l’opposition qu’ils soutiennent mais également parce qu’ils veulent empêcher l’expression de l’autre branche de l’opposition, dirigée par Haytham Manna, laïque, intégrant les formations kurdes et opposée depuis le départ à la logique militaire comme solution finale.
Washington dénonce les colonies israéliennes. « Nous voyons les activités d’implantation israélienne comme illégitimes et contre-productives pour la paix, a déclaré le département d’État américain. Nous restons profondément inquiets de la politique actuelle d’Israël sur les implantations, y compris la construction, la planification et les légalisations rétroactives. Le gouvernement américain n’a jamais défendu ou soutenu les implantations israéliennes, parce que (…) l’activité d’implantation au-delà des lignes de 1967 et les efforts pour modifier les faits sur le terrain affaiblissent les perspectives d’une solution à deux États. »

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