mercredi 13 janvier 2016

L'État fait le procès de la solidarité avec les réfugiés

L'État fait le procès de la solidarité avec les réfugiés

Emilien Urbach
Mercredi, 13 Janvier, 2016
Humanite.fr

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Photo : DR
Un bénévole britannique sera jugé, jeudi à 14 heures, à Boulogne-sur-Mer, pour avoir essayé de sauver une fillette de l'enfer de la "jungle" de Calais. Les associations appellent à se rassembler dès le matin pour exiger sa relaxe.
Le tribunal de grande instance (TGI) de Boulogne-sur-Mer dans la Pas-de-Calais s'apprête à juger, ce jeudi, Rober Lawrie pour délit de solidarité. Comme des centaines de bénévoles britanniques, mais aussi français, belges et allemands, il est venu à plusieurs reprises porter main forte aux réfugiés que l’État refuse de prendre en charge et laisse vivre dans la plus grande indignité au sein de « la jungle » de Calais. Ils viennent consolider les habitats de fortune, creuser des tranchés pour un meilleurs écoulements des eaux, animer des ateliers, s'occuper des enfants et parfois partager des moments de convivialité avec ceux qui ont fui la guerre et la pauvreté qui sévit chez eux.
Un soir, Rob s'assoie autour d'un feu en compagnie de Reza, le père Afghan d'une petite fille de 4 ans. Elle s'appelle Bahar et s'endort sur ces genoux. Cet ancien soldat du corps royal de l’armée de terre britannique n'écoute alors que son cœur et met de côté les mises en garde répétées de ceux qui côtoient depuis des années les personnes bloquées à Calais. "Toute rationalité m’a quitté et je savais ce que je devais faire, raconte Rob, également père de quatre enfants. Je ne pouvais la laisser dormir une nuit de plus dans cette décharge."

Deux Érythréens cachés à son insu dans son van

Il prend Bahar dans ses bras et l'installe dans un coffre placé derrière le siège conducteur de son van. Il prend la route pour rentrer chez lui, à Leeds, où Bahar a de la famille en situation régulière. Arrêté par la police, il ouvre les portes arrières de son véhicule et y découvre stupéfait deux jeunes érythréens cachés ici à son insu. Les agents décident alors de faire entrer leurs chiens renifleurs dans le camion et découvrent la fillette.
Depuis, Robert, libéré sous caution, est en attente de son jugement pour avoir, selon la citation à comparaître, « facilité la circulation irrégulière d'un étranger en France ». Il risque cinq ans de prison et 30 000 euros d'amende.

50 000 signatures de soutien

Plus de 50 000 signatures (voir ci-dessous) ont déjà été récoltées pour exiger sa relaxe. Jeudi matin, de nombreuses associations, dont le Gisti, Resf, Terre d'errance et la Plateforme de services aux migrants, appellent à se rassembler pour exprimer leur soutien à leur compagnon de solidarité. Plusieurs personnalités du monde associatif seront présentes. Hubert Jourdan, directeur de l'association Habitat et citoyenneté, à Nice, pourrait y prendre la parole. Claire, 72 ans, bénévole de son association à été condamnée le 18 décembre dernier, par le TGI de Grasse, à 1 500 euro d'amende pour avoir conduit deux jeunes réfugiés de la gare de Nice à celle d'Antibes, pour leurs permettre de prendre le train.
Le délit de solidarité dont avait largement fait usage le gouvernement Sarkozy devait être aboli. C'était un engagement du candidat Hollande. Le 12 décembre 2012, Manuel Valls avait fait modifié le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour permettre au juge de distinguer une aide rémunérée d'un acte gratuit basé sur la compassion. Mais la récente condamnation de Claire inquiète fortement les associations qui espèrent que la justice et le gouvernement retrouvrent la raison.

Manque criminel de l'État

Si ces bénévoles sont actifs, c'est pour palier au manque criminel de soutien de l’État à ces étrangers vulnérables, abandonnés dans la boue et le froid, au mépris du droit international, du droit français et des valeurs d'égalités et de fraternités. Ils ne se satisfont pas de l'ignominie des puissants. " Et quand vous avez vu ce que j’ai vu (dans la jungle), toute pensée rationnelle sort de votre tête, ajoute Robert. Je ne dis pas : “Hé, regardez-moi, je suis un héros”, je dis : “J’ai pris une mauvaise voie, trouvons la bonne.”"

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