mercredi 11 mai 2016

Jean-Claude Mailly : « Le 49-3 ne va pas étouffer le mouvement mais plutôt mettre de l’huile sur le feu »

Jean-Claude Mailly : « Le 49-3 ne va pas étouffer le mouvement mais plutôt mettre de l’huile sur le feu »

Entretien réalisé par Kareen Janselme
Mercredi, 11 Mai, 2016
L'Humanité

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Photo : Éric Feferberg/AFP
Le numéro un de FO dénonce le coup de force du gouvernement. Jean-Claude Mailly demande toujours le retrait du texte, qui n’a jamais été discuté avec les organisations sociales concernées.
Que pensez-vous de l’usage du 49-3 par le gouvernement sur le projet de loi travail ?
JEAN-CLAUDE MAILLY C’est une erreur. Je remarque juste que, quand les politiques sont dans l’opposition, ils cartonnent systématiquement le 49-3. C’était le cas notamment de François Hollande, qui disait en 2006, je le cite, « le 49-3 est une brutalité », « le 49-3 est un déni de démocratie », « le 49-3 est une manière de freiner ou d’empêcher les débats parlementaires »… Or, une fois en responsabilité, les hommes politiques y ont recours ! Cela fait partie des choses que les gens admettent le moins possible : on dit une chose dans l’opposition et on fait le contraire quand on est au pouvoir. Deuxièmement, je trouve ça cocasse, pour ne pas dire plus : pour un texte que le gouvernement veut nous présenter comme une loi de progrès social, il ne trouve pas de majorité au Parlement. Franchement, si c’était un texte réellement de progrès social, il n’y aurait pas de problème du côté de la majorité. En reprenant la formule « le 49-3 est un déni de démocratie », je peux faire un parallèle avec le projet de loi. Dans ce dernier, il y a une disposition qui prévoit de mettre en place des référendums dans les entreprises. Ce que le gouvernement voudrait faire dans les entreprises, il ne le fait pas dans la société : il pourrait très bien consulter les Français par référendum. Même si je ne suis pas un adepte systématique du référendum, en lancer un serait au moins cohérent de la part du gouvernement. On ne peut pas vouloir l’imposer dans l’entreprise et ne pas le faire au niveau national. User du 49-3 est une erreur en termes de démocratie.
Cela ne va-t-il pas étouffer le mouvement ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Non, je pense même que le 49-3 va mettre de l’huile sur le feu. On sait bien que c’est un combat qui ne se règle pas en quinze jours. Après les déclarations du premier ministre, du président de la République, de la ministre du Travail, qui ne veulent pas lâcher, nous voyons bien que nous sommes inscrits dans un mouvement de fond. Quand on remarque qu’il n’y a pas de majorité, même à gauche, c’est bien qu’il y a anguille sous roche. Il faut arrêter de dénoncer les soi-disant postures des uns ou des autres, syndicats ou responsables politiques. Le débat de fond est nécessaire, or nous ne l’avons pas eu au préalable.
Pour nous, la bagarre n’est pas terminée. Il y a eu des lois votées qui ont ensuite été aménagées. Notamment en 2006, le CPE avait été voté puis modifié ensuite. Les sept organisations dans le conflit depuis le début continuent de se rencontrer. Nous allons affiner nos stratégies pour les semaines à venir. Car, même avec ce recours au 49-3 à l’Assemblée, il y aura un débat au Sénat a priori début juin. Parallèlement, il existe des conflits liés ou non à la loi travail, comme à la SNCF, ou chez les routiers. L’une des inquiétudes fortes des conducteurs routiers est ainsi la possibilité induite par le projet de loi de négocier au niveau de l’entreprise des heures supplémentaires payées 10 % en plus au lieu de 25 % actuellement. Quand vous savez le nombre d’heures supplémentaires que font les routiers, cela peut entraîner une sacrée chute de leurs revenus.
Comment FO mobilise-t-elle dans les entreprises ?
JEAN-CLAUDE MAILLY Les salariés discutent dans les entreprises ou les administrations. Même si le projet de loi concerne aujourd’hui le secteur privé, tout le monde a bien compris, par exemple, que si l’article 2 introduisant l’inversion de la hiérarchie des normes passe dans le privé, les statuts nationaux pourront suivre. Au départ, peu de personnes en parlaient. Aujourd’hui, avec toute l’information que nous diffusons depuis plusieurs semaines, les gens se sont emparés de la question et mesurent tous les dangers de ce texte et ses conséquences sur l’organisation du travail, sur les rémunérations, etc. Nous sommes aussi allés à la rencontre des parlementaires dans leur circonscription. Ensuite c’est aux salariés de décider s’ils veulent arrêter le travail au-delà des mots d’ordre sur une journée d’une confédération. Il ne faut pas mettre en permanence le social sous la coupe de dogmes économiques. Visiblement le gouvernement est dans une logique néolibérale. Nous sommes, nous, sur une logique de renforcement des droits des salariés, pour une simplification du Code du travail, mais à droit constant.
Jean-Claude Mailly est ecrétaire général de Force ouvrière

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