Loi travail: les frondeurs seraient-ils des lâcheurs ?
Gérard Le Puill
Jeudi, 12 Mai, 2016
Humanite.fr
Tandis que des manifestations ont lieu ce jeudi contre la loi de précarisation du travail portant le nom de la ministre El Khomri, une offensive se développe en Europe de l’Est pour accroître le dumping social en Europe de l’Ouest. Neuf de ces pays s’opposent à l’amélioration du statut des travailleurs détachés, selon le quotidien Les Echos. Qu’en disent les députés frondeurs du groupe socialiste ?
Il a manqué hier deux voix pour qu’une motion de censure de gauche puisse être déposée afin d’empêcher l’adoption de la loi El Khomri en première lecture à l’Assemblée nationale et faire tomber le gouvernement. Il y aura aujourd’hui une séance de rattrapage. Cela consisterait à voter, sans en approuver la teneur, la motion de censure des députés de droite. Eux trouvent que le texte du gouvernement ne va pas assez loin dans la démolition du code de travail. Plusieurs députés socialistes qui se définissent comme des « frondeurs » on annoncé qu’ils ne voteraient pas ce texte. Ce qui revient à permettre au gouvernement de faire passer le sien à ce stade du débat. Du côté des salariés qui seront les futures victimes de cette loi, on a organisé ce jeudi matin des barrages de voies rapides dans la périphérie de Nantes, Rennes et Lorient tandis que des normands bloquaient le pont de Tancarville.
Pour tenter de passer en force, l’argumentaire du gouvernement et de la majorité des députés socialistes est le suivant: assouplir le Code du travail pour favoriser l’embauche. A leurs yeux, favoriser l’embauche impliquerait de précariser l’emploi, de moins payer les salariés, de licencier plus facilement, de recourir davantage au temps partiel en fonction des choix que feront les patrons pour maximiser la rentabilité des entreprises dans cette loi de la jungle qu’est la mondialisation capitaliste. Ce qui se traduit toujours par du gaspillage de capital productif et par un recul du pouvoir d’achat de ceux et celles qui n’ont que leur salaire pour vivre.
D’ailleurs, pour pointer en peu de temps les contradictions de ce système dans lequel le salarié sert de variable d’ajustement pour des multinationales patrons en quête de profits , il convient de lire cinq articles dans Les Echos de ce jeudi 12 mai. En page 2 de ce journal, Cécile Cornudet affirme que « trente députés socialistes avaient des pudeurs de jeune fille au début du quinquennat lorsqu’on les appelait « frondeurs ». Ils ont pourtant réussi à saboter le mandat de François Hollande, et pas seulement médiatiquement, presque de bout en bout ». Ce commentaire suggère en creux que Hollande tient tous ses engagements de candidat pris en 2012.
Interrogé dans cette même page sur la tentative avortée d’une motion de censure par les « frondeurs », le politologue Gérard Grunberg y va de ce commentaire : « Le problème est que cette situation contribue à détruire peu à peu la culture de gouvernement que le PS avait, depuis le congrès d’Epinay en 1971, lentement et difficilement acquise ». En creux , Grunberg suggère que la culture de gouvernement en ce début de XXIème siècle passe par la précarisation à outrance et par le recul permanent des acquis sociaux pour aboutir à un recul de civilisation peu compatible avec l’état actuel des savoirs en tous genres pour peu qu’on les mette au service des humains et non du seul profit pour quelques uns.
En page 3 de ce même journal, Pierre Pringuet, président de l’Association française des entreprises privées, répète que son association « était favorable à la version initiale du texte » comme l’étaient les parlementaires de droite. Il regrette que le gouvernementy ait apporté des modifications demandées par certains syndicats et se demande « pourquoi dégainer le 49-3 pour renoncer aux mesures les plus fortes du texte ? ».
Passons maintenant à la page 8 des Echos. Un article nous apprend que onze pays européens dont la Bulgarie, la République tchèque, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Croatie, la Lettonie, la Hongrie, la Slovaquie et l’Estonie, viennent, dans le cadre d’un procédure baptisée « carton jaune», d’obtenir de la Commission européenne qu’elle retarde pour le moins ses timides promesses de modification du statut des travailleurs détachés. « De nombreux pays d’Europe de l’Ouest- la France en tête - poussent pour obtenir cette réforme présentée en mars. Elle promet de lutter contre le dumping social en alignant la rémunération du travailleur détaché non sur les seules règles relatives au salaire minimum, mais aussi sur les conventions collectives, bonus et avantages divers appliqués dans le pays d’accueil», analyse Renaud Honoré du bureau de ce journal à Bruxelles.
Pourquoi ces pays engagent-ils une démarche commune pour retarder ou empêcher une avancée sociale en faveur de leurs ressortissants qui deviennent des travailleurs détachés dans les pays d’Europe de l’Ouest ? Pour gagner du temps suggère l’article des Echos. Sans doute, mais pas seulement. Les travailleurs détachés sont de plus en plus nombreux dans de nombreux pays de l’Ouest européen à commencer par ceux qui sont limitrophes des pays de l’Est entrés dans l’Union en 2004 et 2007. C’est le cas en Allemagne mais aussi dans beaucoup d’autres pays dont les Pays-Bas où les salariés des serres à tomates, concombres, fleurs et autres produits d’exportation sont presque tous de nationalité polonaise désormais, selon les serristes français.
En réalité, les dirigeants de ces pays ont peur que l’amélioration du statut de travailleur détaché accordé à leurs ressortissants débouche sur une moindre demande de main d’œuvre immigrée et détachée dans les pays qui font appel à ces travailleurs aujourd’hui. Quel rapport avec la Loi Travail que le gouvernement français veut faire passer avec le 49-3 ? Sur la longue route de la précarisation en Europe, cette loi précarise notre droit du travail pour le rapprocher des standards de la sous rémunération et du recul des droits sociaux que permettent, par exemple, les faibles cotisations sociales du pays d’origine versées aux travailleurs détachés.
Dans la même page 8 des Echos, on apprend que de nombreux députés européens, de droite comme de gauche, sont opposés à l’octroi du statut « d’économie de marché » à la Chine dans les prochains mois sur proposition de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il faut savoir que ce statut réduirait sensiblement les tarifs douaniers actuels accordés à de nombreux produits chinois entrant en Europe. Ces députés affirment que ce pays pratique des prix bas à l’exportation qui ne sont pas « clairement » déterminés par l’offre et la demande , selon Les Echos . Même le commissaire en charge de la santé et la sécurité alimentaire estime qu’accorder ce statut à la Chine « impliquerait un coût énorme en termes de perte d’emplois dans l’Union européenne ».
Résumons : des pays d’Europe de l’Est préfèrent que les droits sociaux de leurs ressortissants travaillant dans d’autres pays de l’Union européenne ne progressent pas. Car ils ont peur que ce progrès social réduise les départs de travailleurs détachés vers les pays d’Europe de l’Ouest tandis qu’ils refusent aussi d’accueillir chez eux des réfugiés de pays ravagés par la guerre. Des députés européens, de droite comme de gauche, craignent que les baisses de tarifs douaniers accordés à la Chine débouchent sur d’importantes pertes d’emplois en Europe en raison du dumping social chinois.
Pendant ce temps, François Hollande et Manuel Valls proposent l’adoption sans vote d’une loi destinée à précariser l’emploi et de réduire le revenu du travail dans notre pays. Frondeur ou pas, socialiste ou pas, voilà qui devrait poser un problème de conscience à chaque député élu par le peuple pour voter les lois de ce pays. Un frondeur qui devient un lâcheur n’est plus que l’ombre d’un frondeur.
Pour tenter de passer en force, l’argumentaire du gouvernement et de la majorité des députés socialistes est le suivant: assouplir le Code du travail pour favoriser l’embauche. A leurs yeux, favoriser l’embauche impliquerait de précariser l’emploi, de moins payer les salariés, de licencier plus facilement, de recourir davantage au temps partiel en fonction des choix que feront les patrons pour maximiser la rentabilité des entreprises dans cette loi de la jungle qu’est la mondialisation capitaliste. Ce qui se traduit toujours par du gaspillage de capital productif et par un recul du pouvoir d’achat de ceux et celles qui n’ont que leur salaire pour vivre.
D’ailleurs, pour pointer en peu de temps les contradictions de ce système dans lequel le salarié sert de variable d’ajustement pour des multinationales patrons en quête de profits , il convient de lire cinq articles dans Les Echos de ce jeudi 12 mai. En page 2 de ce journal, Cécile Cornudet affirme que « trente députés socialistes avaient des pudeurs de jeune fille au début du quinquennat lorsqu’on les appelait « frondeurs ». Ils ont pourtant réussi à saboter le mandat de François Hollande, et pas seulement médiatiquement, presque de bout en bout ». Ce commentaire suggère en creux que Hollande tient tous ses engagements de candidat pris en 2012.
Interrogé dans cette même page sur la tentative avortée d’une motion de censure par les « frondeurs », le politologue Gérard Grunberg y va de ce commentaire : « Le problème est que cette situation contribue à détruire peu à peu la culture de gouvernement que le PS avait, depuis le congrès d’Epinay en 1971, lentement et difficilement acquise ». En creux , Grunberg suggère que la culture de gouvernement en ce début de XXIème siècle passe par la précarisation à outrance et par le recul permanent des acquis sociaux pour aboutir à un recul de civilisation peu compatible avec l’état actuel des savoirs en tous genres pour peu qu’on les mette au service des humains et non du seul profit pour quelques uns.
En page 3 de ce même journal, Pierre Pringuet, président de l’Association française des entreprises privées, répète que son association « était favorable à la version initiale du texte » comme l’étaient les parlementaires de droite. Il regrette que le gouvernementy ait apporté des modifications demandées par certains syndicats et se demande « pourquoi dégainer le 49-3 pour renoncer aux mesures les plus fortes du texte ? ».
Passons maintenant à la page 8 des Echos. Un article nous apprend que onze pays européens dont la Bulgarie, la République tchèque, la Lituanie, la Pologne, la Roumanie, la Croatie, la Lettonie, la Hongrie, la Slovaquie et l’Estonie, viennent, dans le cadre d’un procédure baptisée « carton jaune», d’obtenir de la Commission européenne qu’elle retarde pour le moins ses timides promesses de modification du statut des travailleurs détachés. « De nombreux pays d’Europe de l’Ouest- la France en tête - poussent pour obtenir cette réforme présentée en mars. Elle promet de lutter contre le dumping social en alignant la rémunération du travailleur détaché non sur les seules règles relatives au salaire minimum, mais aussi sur les conventions collectives, bonus et avantages divers appliqués dans le pays d’accueil», analyse Renaud Honoré du bureau de ce journal à Bruxelles.
Pourquoi ces pays engagent-ils une démarche commune pour retarder ou empêcher une avancée sociale en faveur de leurs ressortissants qui deviennent des travailleurs détachés dans les pays d’Europe de l’Ouest ? Pour gagner du temps suggère l’article des Echos. Sans doute, mais pas seulement. Les travailleurs détachés sont de plus en plus nombreux dans de nombreux pays de l’Ouest européen à commencer par ceux qui sont limitrophes des pays de l’Est entrés dans l’Union en 2004 et 2007. C’est le cas en Allemagne mais aussi dans beaucoup d’autres pays dont les Pays-Bas où les salariés des serres à tomates, concombres, fleurs et autres produits d’exportation sont presque tous de nationalité polonaise désormais, selon les serristes français.
En réalité, les dirigeants de ces pays ont peur que l’amélioration du statut de travailleur détaché accordé à leurs ressortissants débouche sur une moindre demande de main d’œuvre immigrée et détachée dans les pays qui font appel à ces travailleurs aujourd’hui. Quel rapport avec la Loi Travail que le gouvernement français veut faire passer avec le 49-3 ? Sur la longue route de la précarisation en Europe, cette loi précarise notre droit du travail pour le rapprocher des standards de la sous rémunération et du recul des droits sociaux que permettent, par exemple, les faibles cotisations sociales du pays d’origine versées aux travailleurs détachés.
Dans la même page 8 des Echos, on apprend que de nombreux députés européens, de droite comme de gauche, sont opposés à l’octroi du statut « d’économie de marché » à la Chine dans les prochains mois sur proposition de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il faut savoir que ce statut réduirait sensiblement les tarifs douaniers actuels accordés à de nombreux produits chinois entrant en Europe. Ces députés affirment que ce pays pratique des prix bas à l’exportation qui ne sont pas « clairement » déterminés par l’offre et la demande , selon Les Echos . Même le commissaire en charge de la santé et la sécurité alimentaire estime qu’accorder ce statut à la Chine « impliquerait un coût énorme en termes de perte d’emplois dans l’Union européenne ».
Résumons : des pays d’Europe de l’Est préfèrent que les droits sociaux de leurs ressortissants travaillant dans d’autres pays de l’Union européenne ne progressent pas. Car ils ont peur que ce progrès social réduise les départs de travailleurs détachés vers les pays d’Europe de l’Ouest tandis qu’ils refusent aussi d’accueillir chez eux des réfugiés de pays ravagés par la guerre. Des députés européens, de droite comme de gauche, craignent que les baisses de tarifs douaniers accordés à la Chine débouchent sur d’importantes pertes d’emplois en Europe en raison du dumping social chinois.
Pendant ce temps, François Hollande et Manuel Valls proposent l’adoption sans vote d’une loi destinée à précariser l’emploi et de réduire le revenu du travail dans notre pays. Frondeur ou pas, socialiste ou pas, voilà qui devrait poser un problème de conscience à chaque député élu par le peuple pour voter les lois de ce pays. Un frondeur qui devient un lâcheur n’est plus que l’ombre d’un frondeur.
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