mercredi 18 mai 2016

on bloque tout ?

Chroniques Latines

Les chroniques Latines de Jean Ortiz portent un regard loin des clichés sur les luttes de libération du continent sud-américains... Toujours un oeil vif sur l'Espagne et les enjeux sous-jacents du quotidien...
Jean Ortiz

On bloque tout ?

On bloque tout. Imaginons le pays bloqué, les salariés occupant les usines, le drapeau rouge aux grilles, les prolétaires organisant des conseils ouvriers, les tracteurs et les camions barrant les routes, les trains à quai, les étudiants sur les barricades, le Medef réfugié dans des grottes aveyronnaises, les policiers l’arme au repos... 
L’essence a disparu, remplacée par le sens. Des AG partout. Et des millions de manifestants qui scandent : « Se va a caer !! », « se va a caer !! », « il va tomber » le gouvernement... Toutes les conditions sont réunies, mais « la CGT freine ». Elle recule devant la lutte des classes...
 
Combien de jeunes, de nouveaux militants, de légitimement révoltés, reprennent naïvement ce discours seriné, matraqué de tous les bords. Ne soyons pas des perroquets malgré nous.
 
On peut souhaiter une CGT comme ils la souhaitent, certes... Mais dans les AG, on entend peu de mises en cause des syndicats « jaunes », de collaboration de classe. Ce sont ceux-là à qui il faut botter les fesses et les dénoncer comme tels... Dans une lutte frontale pour défendre des acquis sociaux fondamentaux, contre le Medef et ses petits télégraphistes, la barricade n’a que deux côtés...
 
Ceux qui veulent « bloquer le pays » ont raison. Ils veulent changer la vie. Comme Ph. Martinez, ils pensent que seule une grève nationale « reconductible », « générale » , pourra faire plier les élèves zélés du thatchérisme et leur système. Philippe Martinez l’a déclaré devant « Nuit debout ». Tel est l’objectif à atteindre. La CGT et quelques autres « Sud, Solidaires », etc. l’ont mis dans le paysage, à l’ordre du jour. Cela fait du bien...
 
Les discours sur la « trahison » de la CGT sont par conséquent hors réalité et affaiblissent, divisent un mouvement inédit depuis des années. Ne nous trompons pas de cible. On a le droit et même le devoir d’interpeller « les nôtres », les plus combattifs, de leur demander de ne pas lâcher, mais de les cartonner en permanence, on se tire une balle dans le pied. Et puis cela traduit une conception verticale, anachronique, du syndicalisme : des généraux et des troupes obéissantes, hors sol. Il suffirait donc de commander ou de presser sur un bouton pour qu’elles se mettent en mouvement. Si cela était si simple... Une grève générale suppose une patiente construction, beaucoup et beaucoup d’explications, de sacrifices, de convergences à travailler, d’alternatives à proposer...
 
Combien de déserts syndicaux en France ? Septième journée d’action nationale contre un gouvernement de droite dans les faits, dans son autisme, dans sa brutalité, et qui se dit « de gauche »... Mesure-t-on assez ce que représentent trois ou quatre journées de grève sur des petits salaires ? Et la peur de se faire lourder, les menaces, les matraques, les lacrymos, les chantages, la propagande de guerre sociale, l’angoisse de la précarité, du chômage, des fins de mois agoniques ?
 
Ceux qui ont trahi, ce sont le président, le gouvernement, les dirigeants socialistes, les syndicalistes de salon, les toujours qui vont à la soupe ; et si nous n’avions pas la CGT, telle qu’elle est, il faudrait la rêver !

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