lundi 23 mai 2016

Prolongation de l'état d'urgence, gare aux droits des citoyen(ne)s !

Prolongation de l'état d'urgence, gare aux droits des citoyen(ne)s !

Daniel Roucous
Lundi, 23 Mai, 2016

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L'état d'urgence n'a pas pour effet en lui-même d'interdire les manifestations comme celles contre la loi Travail. Seul un arrêté du préfet peut les interdire.
AFP/Philippe Huguen
Coupe d’Europe de football et Tour de France obligent (ou prétexte), l’état d’urgence est prolongé jusqu’au 26 juillet. Pour autant les citoyen(ne)s ne sont pas sans droit face aux mesures prises.

L’état d’urgence jusqu’à quand ?

L’état d’urgence est prolongé jusqu’au 26 juillet 2016.
Rappelons la chronologie de l’état d’urgence :
- instauré le 14 novembre 2015 par décret,
- prolongé jusqu’au 26 février 2016 par la loi du 20 novembre 2015,
- à nouveau prolongé jusqu’au 26 mai  par la loi du 19 février 2016,
- dernièrement prolongé de deux mois soit jusqu’au 26 juillet 2016 par la loi du 20 mai 2016 (Journal officiel du 21 mai).

Quelles sont les mesures prises ?

Elles sont de deux sortes, celles imposées par le ministre de l’Intérieur et celles décidées par un arrêté du préfet.
Les mesures prononcées par le ministre de l’Intérieur sous contrôle du juge administratif :
- l’assignation à résidence de toute personne dont le comportement  constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public,
- la dissolution des associations et groupements qui participent à la commission d’actes portant atteinte grave à l’ordre public ou dont les activités la facilitent ou y incitent ET qui comprennent en leur sein ou parmi leurs relations habituelles, des personnes assignées à résidence,
- les perquisitions en tout lieu, y compris à domicile, de jour comme de nuit, sauf dans un lieu affecté à l’exercice d’un mandat parlementaire ou à l’activité professionnelle des avocats, des magistrats et des journalistes (autrement dit dans un journal). A propos, la loi initiale de 1955 relative à l’état d’urgence  prévoyait le contrôle de la presse et des médias. Ce qui n’est plus le cas pour l’instant.
- toute mesure pour contrôler et bloquer les sites Internet faisant l’apologie du terrorisme ou incitant à des actes terroristes. A cet effet attention à vos propos en public ou sur la toile comme vous pouvez le lire sur
- la surveillance des communications électroniques internationales tant sur les connexions que sur les correspondances (loi n° 2015-1556 du 30 novembre 2015).
Les mesures que peuvent prendre les préfets au moyen d’un arrêté :
- interdire toute manifestation sur la voie publique. Avis aux manifestants contre la loi travail : l’état d’urgence en lui-même n’interdit pas les manifestations dans la mesure où le préfet n’a pas pris un arrêté à cet effet.
- perquisitionner en tout lieu dans les mêmes conditions que pour le ministre de l’Intérieur telles qu’indiquées ci-dessus.
- assigner à résidence toute personne dont le comportement  constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public,
- ordonner la remise des armes et munitions y compris les fusils de chasse jusqu’à la fin de l’état d’urgence,
- interdire, par arrêté, la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés,
- instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour de personnes désignées est réglementé,
- interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics (là tout le monde est concerné),
- ordonner, par arrêté, la fermeture provisoire des salles de spectacles, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature (stades, foires, fêtes etc.),
- interdire, par arrêté, à titre général ou particulier, les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre,
- interdire, par arrêté, la vente au détail des combustibles domestiques et de produits pétroliers dans tout récipient transportable ainsi que leur transport par des particuliers.
Seules les bouteilles de butane et de propane sont autorisées !
Interdiction également de la vente de feux d’artifices et tous articles pyrotechniques.

Est-ce à dire que les manifestations sont interdites ?

Non dans la mesure, vous l’avez lu, où un arrêté du préfet ne les interdit pas.
Ceci est valable pour tout rassemblement de personnes sur la voie ou dans les lieux publics.

Que risque-t-on de passer outre l’interdiction de manifester ?

Vous manifestez alors que c’est interdit ou vous ne respectez pas un arrêté du préfet, vous risquez la garde à vue pour infraction. Celle-ci peut déboucher sur la relaxe ou sur une amende voire un emprisonnement dans les cas les plus graves mais c’est au procureur de la République d’en décider.

Quels sont les droits des personnes en garde à vue ?

Une notification des droits doit être immédiatement remise à la personne en garde à vue par un officier de police judiciaire. Cette notification ou déclaration des droits est téléchargeable ici
Dans le même temps la police ou la gendarmerie doit obligatoirement en aviser le Procureur de la République qui est le seul à même de décider l’abandon des poursuites ou la remise d’une convocation à une audience ultérieure pour répondre des faits pour lesquels le gardé à vue a été arrêté.
Y penser : le gardé à vue a droit à appeler ou faire prévenir un proche et surtout son employeur. C’est important car ne pas justifier son absence du travail est une faute grave qui peut mettre en route une procédure de licenciement.
Attention la garde à vue n’est pas en soi un motif de licenciement ou de sanction par l’employeur.
La garde à vue est de 24 heures au plus. Elle peut être prolongée de 24 heures soit 48 heures au plus seulement si le Procureur de la République ou le juge d’instruction le décide. Ce n’est pas aux policiers ni aux gendarmes de décider.
Précisions que la garde à vue (GAV) démarre à partir du contrôle et de la vérification d’identité au poste de police ou de gendarmerie.
En savoir plus ici

Peut-on refuser de donner ses empreintes digitales ?

Lors de la garde à vue, un policier ou un gendarme est chargé de contrôler l’identité et de relever les empreintes digitales. Ces empreintes sont enregistrées sur un fichier dans lequel elles sont conservées de 25 à 40 ans selon les cas… même si aucune condamnation n’est prononcée.
Le gardé à vue et donc fiché.
Normalement le policier doit avoir l’accord de la personne mais le fait de refuser la prise d’empreinte est une infraction passible d’une contravention plus ou moins sévère.- article 55-1 du code de procédure pénale ci-joint
Les policiers peuvent également faire un prélèvement d’ADN (article 706-54 du code de procédure pénale).

La garde à vue figure-t-elle sur le casier judiciaire ?

Non ! La garde à vue ne figure pas sur le casier judiciaire. Pour que ce soit le cas, il faut un jugement et encore, le juge doit décider si cette mention est portée sur le casier judiciaire.
Vous pouvez demander un extrait de casier judiciaire en ligne sur le site sécurisé du ministère de la justice ici

Fouilles et palpations y-a-t-il des règles ?

En théorie oui, en pratique c’est une autre histoire. Toujours est-il que les fouilles et palpations à l’entrée des lieux accueillant du public sont réglementées, état d’urgence ou pas. Pour connaître ces règles cliquez sur
Dans le cadre d’une garde à vue, la fouille est plus prononcée mais réglementée par les articles 63-5 à 63-7 du code de procédure pénale. Les policiers doivent s’assurer que la personne n’a aucun objet dangereux sur elle et lui retirent tout objet qui pourrait la blesser (lacets de chaussures, cordons de vêtement, ceintures, cravates, certains vêtements comme les soutiens-gorges, briquets, allumettes, sacs, bijoux, chaines, médailles etc.). Il est alors établi un procès-verbal que le gardé à vue doit signer après s’être assuré que tous ses objets ont été inventoriés.
Les fouilles corporelles sous les vêtements et internes doivent être faites par un officier de police judiciaire du même sexe, dans une pièce isolée. Quant aux fouilles en profondeur (anus, vagin), elles doivent se faire en présence d’un médecin.
La personne fouillée à droit au respect et à la dignité.

Quelles règles en cas d’assignation à résidence ?

D’abord l’assignation à résidence concerne « toute personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre public ».- article 6 de la loi du 3 avril 1955.
Ca ne concerne donc pas que les terroristes ou celles et eux qui en font l’apologie.
Cette assignation est assortie de prescriptions qui consistent à :
- se présenter périodiquement aux services de police ou de gendarmerie, selon une fréquence déterminée par le ministre de l’Intérieur ou le préfet dans la limite de 3 présentations par jours,
- remettre à la police ou à la gendarmerie du passeport ou de tout document justifiant l’identité en échange d’un récépissé (accusé de réception),
- interdire d’être en relation, directe ou indirecte, avec certaines personnes nommément désignées dont il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics. Cette interdiction doit être levée dès qu’elle n’est plus nécessaire.
Ces prescriptions doivent être notifiées par écrit à l’intéressé.

Quels droits pour les personnes perquisitionnées ou assignées ?

- les forces de l’ordre doivent leur remettre l’ordre de la décision de perquisition ou d’assignation. Il convient d’examiner attentivement les motifs invoqués par l’autorité administrative,
- si la décision est infondée saisir, dans les 48 heures, le Tribunal administratif pour faire annuler la décision de perquisition d’assignation à résidence.
Si des dégâts ont été faits lors de la perquisition (porte fracturée, mobilier endommagé) demander une indemnisation au service des affaires juridiques de la préfecture ou à celui du ministère de la justice.
Ne pas oublier d’avertir son employeur en cas d’assignation et de transmettre dès que possible un justificatif pour ne pas perdre son boulot. En effet, une absence non justifiée peut être considérée comme une faute grave justifiant la mise en route d’une procédure de licenciement.

Comment être indemnisés des dégâts occasionnés par la police ?

Que ce soit lors d’une perquisition, d’un échange de tirs entre les forces de l’ordre et les terroristes, d’une manifestation etc., l’Etat est civilement responsable des dégâts causés par la police ou la gendarmerie tant aux personnes qu’à leurs biens (porte fracassée, logement dévasté etc.).- article L211-10 du code de la sécurité intérieure téléchargeable ici
Pour se faire indemniser, sauf si le contrat d’assurance le prévoit (c’est rare) – relire le contrat ou appeler l’assureur, il faut s’adresser soit au service des affaires juridiques et du contentieux de la préfecture soit au même service du ministère de la Justice

INFOS +

- loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence modifiée par la loi du 20 mai 2016
- loi du 30 novembre 2015 relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales
- sur la remise des armes ordonnée par les préfets
- les règles de la garde à vue : articles 62-2 à 77 du code de procédure pénale téléchargeable sur
- le CIDJ (Centre d’information de la jeunesse) à propos de la garde à vue
- le droit d’accès au TAJ sur le site de la CNIL
- tout sur les fichiers de police

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