jeudi 12 mai 2016

Loi travail. Le trouble jeu des CRS autour du Palais-Bourbon

Loi travail. Le trouble jeu des CRS autour du Palais-Bourbon

Lola Ruscio
Mercredi, 11 Mai, 2016
L'Humanité

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Photo : Martin Bureau / AFP
A l’appel de Nuit Debout, plus de 500 personnes ont investi mardi le pont de la Concorde, en face de l’Assemblée nationale, pour manifester leur opposition au recours à l’arme constitutionnelle du 49-3. Face à eux, un imposant dispositif de CRS et de gendarmerie a appliqué la stratégie de la tension. Récit.
La société civile n’a pas dit son dernier mot. Un millier de personnes a convergé par différents itinéraires vers l’Assemblée nationale, mardi soir, en réponse au rendez-vous lancé par Nuit Debout et relayé très vite sur les réseaux sociaux dès l’annonce du recours au 49-3. «Plusieurs commissions de Nuit debout Paris dénoncent cette volonté de passage en force. Si Manuel Valls persiste dans cette voie, nous répondrons par tous les moyens légitimes en proportion au mépris affiché », lit-on dans un texte apparenté à un communiqué. A Grenoble, Toulouse, Strasbourg, Rennes, Lille, Tours et Marseille, des milliers de personnes sont aussi descendues dans les rues pour dénoncer le musellement du Parlement.

C’est par le jeu du chat et de la souris que des centaines de membres des forces de l’ordre ont tenté d’évacuer les manifestants, dans un climat d’état d’urgence. La Nuit Debout n’avait pas organisé de service d’ordre. Aux alentours de 18 heures, des dizaines de CRS et leurs grilles mobiles bloquent l’accès à une rue adjacente menant à l’Assemblée nationale. A quelques mètres de là, une dizaine manifestants et de militants sont inquiets de constater un tel dispositif. Deux jeunes femmes tentent de rejoindre la rue de l’Université donnant accès à l’Assemblée nationale. A la fouille des sacs succèdent des questions suspicieuses : « Où allez-vous, mesdemoiselles ? » Gênée et surprise, une d’elle répond : « Devant l’Assemblée nationale ». « Pour faire quoi ? »  rétorque un CRS, avant de leur demander de contourner la rue pour rejoindre l’Hémicycle par les quais de Seine, loin de la Cour d’honneur où entrent et sortent les ministres.

Un vent de colère souffle

A l’extrémité du pont de la Concorde, entre la place éponyme et le Palais-Bourbon, siège de l'Assemblée nationale, un vent de colère souffle. Des drapeaux du PCF et de la CGT s’agitent dans les airs, alors que des trombes de pluies tombent. Des dizaines de camions de CRS accueillent la centaine de manifestants qui hurle : « Assemblée nationale, Assemblée du capital ! » et  « libérez le Parlement ». De jeunes manifestants portent le foulard et des lunettes de piscine pour se protéger des éventuels gaz tirés par les CRS. Une cinquantaine d’agents leur font face et deux d’entre eux agitent leur bombe lacrymogène…
Vers 19 heures, ils sont désormais plus de 500 manifestants à montrer leur opposition au recours au 49-3. Le climat est sous haute tension. Cette stratégie de la peur a eu raison de la détermination de Roxane : « J’ai préféré rentrer chez moi. Il y avait une ambiance tellement malsaine, les flics attendaient le moindre débordement pour pouvoir nous attaquer », témoigne cette étudiante à la Sorbonne. « J’ai dû insister pour pouvoir partir et, une fois que c’était fait, un policier m’a demandé d’arrêter de prendre des photos », s’indigne-t-elle.
De l’autre côté du pont donnant sur la place de la Concorde, des Nuitdeboutistes sont assis par terre, les uns derrières les autres, en lancant: "La loi Travail on en veut pas! ". Une dizaine de gendarmes sont en position et l’un d’eux balise l'accès au pont. Les agents interdisent de partir du rassemblement alors que le pont est transformé en nasse pour les manifestants. Seuls les touristes et les riverains ont le droit de continuer leur chemin. Même dispositif du côté du pont Alexandre-III, non loin de l’Assemblée, où un barrage filtrant est contrôlé par des CRS. « Où allez-vous ? Où habitez-vous ? » demandent-ils à des passants.

« Vous, là, de la CGT, vous restez ici »

Pendant ce temps, sur le pont de la Concorde,  les tirs successifs de gaz lacrymogènes agressent les nez des manifestants, et un policier tousse tant l’odeur est insoutenable. "Et c'est parti, je sens qu'ils ne sont pas prêts de s'arrêter'' glisse nerveusement Olivier, un Nuitdeboutiste de la première heure. "On en a marre de se prendre des gaz lacrymogènes à chaque fois surtout que l'on ne fait rien de mal ! Mais, on va quand même rester pour montrer notre désaccord" assurent Jules et Sacha, tous les deux étudiants.  A proximité, une dizaine de manifestants fait le choix de rester hors du rassemblement. Mauvaise tactique. D’un coup, une ribambelle de CRS arrivent, matraque en main, et les poussent dans la nasse…
Du côté de la rue de Solferino, ça chauffe aussi. Des dizaines de CRS bloquent l’accès et cernent des manifestants. Un militant de la CGT espère profiter du bref espace dégagé par les forces de l’ordre pour pouvoir quitter  la manifestation. « Vous, là, de la CGT, vous restez ici », lui ordonne aussitôt un policier. « C’est parce qu’il est de la CGT qu’il reste ? Ce n’est pas un criminel ! » lance un jeune homme sans obtenir de réponse du policier devenu muet.
Peu après 21 heures, des CRS ont lancé des grenades sur des manifestants et le cortège a finalement été dispersé sous les lacrymogènes sur le quai de la Seine. Posant une nouvelle fois la question des consignes qui sont formulées par le ministère de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, aux forces de l’ordre, tant tout semble être fait pour réprimer le mouvement social.

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