Quand l’ubérisation fait entrer une forme de proxénétisme dans la répartition du travail
Gérard Le Puill
Dimanche, 22 Mai, 2016
Humanite.fr
Alors que l’opposition du monde du travail contre le projet de loi El Khomri se poursuit est s’est même amplifiée jeudi dernier, lire ce qui s’écrit ces derniers jours sur le rôle que joue « l’ubérisation » dans la précarisation de l’emploi est assez révélateur. Même quand les enquêtes de journalistes partent d’un bon sentiment, le lecteur attentif peut déceler des dangers dont l’auteur d’un article de bonne construction apparente n’a pas forcément conscience.
Dans le supplément économique du Monde daté du 19 mai, Maryline Baumard nous explique comment « une initiative public-privé, soutenue notamment par Uber, vise à favoriser l’insertion dans les quartiers». L’article commence par nous expliquer pourquoi, un diplômé de 28 ans avec un nom et un prénom arabes, a, de guerre lasse , été contraint de créer son entreprise de transport de personnes en Seine-Saint-Denis après avoir constaté que des offres d’emploi de salarié auxquelles il répondait et pour lesquelles il passait des entretiens lui échappaient toujours au profit d’autres candidats aux noms bien français dans son secteur de compétence qu’est l’informatique.
A partir de ce cas précis, Le Monde met en exergue une initiative à laquelle ont participé des élus locaux de droite en Seine-Saint-Denis le 17 mai dans un gymnase de Bagnolet : « L’aide au micro crédit ADIE, le spécialiste de la création d’entreprises Planet Adam, Rent a Car, Uber et Voiture Noire, lançaient là l’opération « 7.000 entrepreneurs dans les quartiers » avec la mairie de Bagnolet, Pôle emploi 93, la fondation FACE 93», peut-on lire. L’article nous explique qu’il s’agit de mettre en relation des patrons avec des jeunes souhaitant devenir chauffeurs.

On voit de suite qu’il ne s’agit ici que d’emplois de service pour transporter des individus d’un lieu à un autre, ce qui ne s’apparente vraiment pas à de la création de richesses. C’est plutôt une concurrence de plus pour les taxis par des auto-entrepreneurs eux-mêmes rackettés par des patrons de plates formes de mise en relation qui prélèvent leur dîme un peu comme les proxénètes prélèvent la leur sur des personnes prostituées contraintes de recourir à « l’abattage » pour dégager la part de revenu qui leur restera.
L’article du Monde nous dit qu’en 2015 « 2.000 entreprises de transport de personnes ont été créées en Seine Saint Denis ». Probablement pas pour prendre en charge les clients supplémentaires que les chauffeurs de taxis munis d’une licence n’auraient pas le temps de transporter, mais plutôt pour leur enlever des clients à partir d’un statut plus précaire d’un auto-entrepreneur qui travaillera jusqu’à pas d’heure pour tenter de tirer un maigre revenu. Car « chauffeur est un métier facile d’accès dans un secteur réputé ne pas discriminer et qui permet de sortir du standard des métiers non qualifiés », affirme le jeune diplômé qui est passé par sa création d’entreprise faute de pouvoir se faire embaucher dans l’information à cause de son nom.
C’est aussi à la lumière de cette nouvelle précarisation de l’emploi au service de laquelle le système utilise aujourd’hui l’ubérisation qu’il faut comprendre la signification de la procédure engagée par l’Urssaf contre Uber en faisant valoir qu’il existe un « lien de subordination » entre cette entreprise et ses chauffeurs puisque la plate-forme leur donne du travail à sa guise. Et les dirigeants d’Uber exercent leur métier à la manière des proxénètes en répartissant le travail, souvent à la tête du client, chacun étant noté sur ses performances, là aussi comme dans la prostitution à l’abattage.
Défenseur de la loi El Khomri, le député socialiste de l’Ardèche s’exprime dans Les Echos de ce 19 mai et « pense que l’Urssaf fait fausse route en considérant que les chauffeurs d’Uber devraient devenir salariés ». Selon Christophe Sirugue, un autre député socialiste rapporteur du texte à l’Assemblée, «nous ouvrons des droits nouveaux à ces travailleurs sans pour autant reconnaître une relation de salariat, qui ne se prête pas à ces plates-formes ». Lui aussi est favorable à cette précarisation. Notons ici que les deux compères socialistes se situent à droite de Stefano Scarpetta, directeur emploi, travail, affaires sociales de l’OCDE, institution pourtant très libérale. Scarpetta affirme en effet dans la même page des Echos : « les risques qui sont traditionnellement liés à l’activité, comme la perte d’emploi ou l’accident du travail, sont en train de se transférer sur le travailleur lui-même. Mais les travailleurs indépendants ont-ils les moyens de se prémunir contre ces risques ? Et comment leur garantir un minimum de protection», interroge-t-il ?
Bonnes questions en effet quand le donneur d’ordre prélève systématiquement sa dîme et peut discriminer certains de ses auto-entrepreneurs pour en favoriser d’autres dans de nouveaux métiers qui ne sont généralement pas créateurs de valeur ajoutée. Cela abouti finalement à partager de manière toujours plus injuste d’un gâteau qui n’augmente pas de volume tandis que la part des parasites qui organisent l’exploitation des gens sous leur dépendance ne cesse d’augmenter.
A partir de ce cas précis, Le Monde met en exergue une initiative à laquelle ont participé des élus locaux de droite en Seine-Saint-Denis le 17 mai dans un gymnase de Bagnolet : « L’aide au micro crédit ADIE, le spécialiste de la création d’entreprises Planet Adam, Rent a Car, Uber et Voiture Noire, lançaient là l’opération « 7.000 entrepreneurs dans les quartiers » avec la mairie de Bagnolet, Pôle emploi 93, la fondation FACE 93», peut-on lire. L’article nous explique qu’il s’agit de mettre en relation des patrons avec des jeunes souhaitant devenir chauffeurs.

L’article du Monde nous dit qu’en 2015 « 2.000 entreprises de transport de personnes ont été créées en Seine Saint Denis ». Probablement pas pour prendre en charge les clients supplémentaires que les chauffeurs de taxis munis d’une licence n’auraient pas le temps de transporter, mais plutôt pour leur enlever des clients à partir d’un statut plus précaire d’un auto-entrepreneur qui travaillera jusqu’à pas d’heure pour tenter de tirer un maigre revenu. Car « chauffeur est un métier facile d’accès dans un secteur réputé ne pas discriminer et qui permet de sortir du standard des métiers non qualifiés », affirme le jeune diplômé qui est passé par sa création d’entreprise faute de pouvoir se faire embaucher dans l’information à cause de son nom.
C’est aussi à la lumière de cette nouvelle précarisation de l’emploi au service de laquelle le système utilise aujourd’hui l’ubérisation qu’il faut comprendre la signification de la procédure engagée par l’Urssaf contre Uber en faisant valoir qu’il existe un « lien de subordination » entre cette entreprise et ses chauffeurs puisque la plate-forme leur donne du travail à sa guise. Et les dirigeants d’Uber exercent leur métier à la manière des proxénètes en répartissant le travail, souvent à la tête du client, chacun étant noté sur ses performances, là aussi comme dans la prostitution à l’abattage.
Défenseur de la loi El Khomri, le député socialiste de l’Ardèche s’exprime dans Les Echos de ce 19 mai et « pense que l’Urssaf fait fausse route en considérant que les chauffeurs d’Uber devraient devenir salariés ». Selon Christophe Sirugue, un autre député socialiste rapporteur du texte à l’Assemblée, «nous ouvrons des droits nouveaux à ces travailleurs sans pour autant reconnaître une relation de salariat, qui ne se prête pas à ces plates-formes ». Lui aussi est favorable à cette précarisation. Notons ici que les deux compères socialistes se situent à droite de Stefano Scarpetta, directeur emploi, travail, affaires sociales de l’OCDE, institution pourtant très libérale. Scarpetta affirme en effet dans la même page des Echos : « les risques qui sont traditionnellement liés à l’activité, comme la perte d’emploi ou l’accident du travail, sont en train de se transférer sur le travailleur lui-même. Mais les travailleurs indépendants ont-ils les moyens de se prémunir contre ces risques ? Et comment leur garantir un minimum de protection», interroge-t-il ?
Bonnes questions en effet quand le donneur d’ordre prélève systématiquement sa dîme et peut discriminer certains de ses auto-entrepreneurs pour en favoriser d’autres dans de nouveaux métiers qui ne sont généralement pas créateurs de valeur ajoutée. Cela abouti finalement à partager de manière toujours plus injuste d’un gâteau qui n’augmente pas de volume tandis que la part des parasites qui organisent l’exploitation des gens sous leur dépendance ne cesse d’augmenter.
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