mercredi 18 mai 2016

Victimes de Dentexia,les « sans-dents » refusent de rester sans-voix

Victimes de Dentexia,les « sans-dents » refusent de rester sans-voix

santé
Alexandre Fache
Mardi, 17 Mai, 2016
L'Humanité

333629 Image 0

Rassemblement du collectif des « sans-dents », Place du Trocadéro, lundi 9 mai.
Photo : Denis Meyer
Plus de 2 200 victimes de ces cabinets dentaires low cost, liquidés en mars dernier, se retrouvent édentées et endettées, dans l’incapacité de terminer leurs soins. Elles en appellent au ministère de la Santé.
Sur des dizaines de pages, en petits caractères, les messages des victimes des cabinets dentaires low cost Dentexia s’agglutinent, comme autant d’appels au secours. « Aidez- moi à retrouver ma dignité car je n’ose plus parler, ni rire. » « Toutes mes économies se sont envolées chez Dentexia, je suis à la retraite avec 500 euros par mois, je suis anéantie. » « J’ai pris un crédit de 13 000 euros pour mes soins, Dentexia me doit 8 700 euros, je n’ai pas de dents, plus d’argent et le centre a fermé. » « Ma gencive commence à être complètement déformée, mon appareil provisoire vient de casser, (...) je ne peux plus manger. Que dois-je faire ? » Des témoignages comme ceuxci, le Collectif contre Dentexia, qui aide les victimes de cette chaîne lancée en 2011 et liquidée en mars dernier, pourrait en produire des centaines, peut-être des milliers. Hier, ils étaient 2 243 à s’être fait connaître auprès de cette structure créée début janvier. Et leur bataille s’annonce longue et pénible...  
Actifs ou retraités, jeunes ou vieux, de condition modeste ou simplement incapables de débourser les sommes très conséquentes exigées par les dentistes libéraux (lire encadré), ces habitants de Paris, Lyon, Vaulx-en-Velin ou Chalon-sur-Saône disent tous l’angoisse de ne pas pouvoir aller au bout de leurs soins. La honte d’avoir été « bernés », « escroqués ». Mais aussi le sentiment d’être « abandonnés par les pouvoirs publics », pourtant responsables, à tout le moins, d’avoir « laissé faire » Dentexia. Dans l’espoir d’attirer l’attention des autorités, ces « sans-dents » – comme ils se sont baptisés eux-mêmes, dans un double clin d’œil à leur situation et à l’expression cynique attribuée à François Hollande – ont manifesté la semaine dernière à Paris, sur la place du Trocadéro, ainsi qu’à Lyon.
Hier, ils ont organisé « le pique-nique des sans-dents » à la roche de Solutré, gravissant à plus de 200 la célèbre falaise bourguignonne, comme François Mitterrand en son temps (lire ci-après le portrait de Christine Teilhol, à l’origine de cette initiative). « Nous sommes victimes du système mis en place par le fondateur de Dentexia, Pascal Steichen, mais pas seulement, insiste Abdel Aouacheria, chercheur en biologie de 41 ans et porte-parole dévoué du collectif. Il y a aussi ceux qui ont rendu possible ce scandale, en l’occurrence le législateur et les autorités de santé. Et enfin, ceux qui ont tout fait pour le nourrir : l’Ordre national des chirurgiens dentistes, qui a organisé une véritable vendetta contre les cabinets low cost afin de protéger son monopole. »

Une association, et une nébuleuse de sociétés commerciales

Tout commence avec la loi Bachelot, votée en 2009, qui permet à des associations-loi 1901, officiellement à but non lucratif, d’exercer dans le domaine de la santé en s’adossant à des sociétés commerciales qui ont, elles, pour seul objectif, le profit. Ex-enseignant en communication et homme d’affaires aux activités multiples et parfois chaotiques (il a été un temps interdit de gestion), Pascal Steichen flaire le bon filon et lance, en 2011, après deux premières expériences dans le soin dentaire, « l’association » Dentexia. Objectif affiché : « Mettre la santé dentaire à la portée de tous en pratiquant des prix deux à trois fois inférieurs à ceux du marché. » En réalité, les rabais ne seront pas toujours aussi conséquents. Et surtout, l’association sera bien vite encadrée en sous-main par une demi-douzaine de sociétés gérées par Steichen ou ses associés, facturant activités de conseil, de formation ou fourniture de matériel. Pas si philanthrope, donc…

« Mes implants ne sont pas droits, c’est une catastrophe »

Reste que les tarifs s’avèrent plutôt attractifs, surtout pour des patients qui doivent pratiquer des soins lourds. C’était le cas de François Landolfini, 48 ans, chef de cabine chez Corsair et patient malheureux du cabinet Poincaré, à Paris. « J’avais vu plusieurs dentistes et les devis étaient pharaoniques. La seule alternative, c’était de se faire soigner à l’étranger… ou chez Dentexia. J’ai choisi de rester en France, car je pensais avoir des garanties. » Dès la deuxième visite, il débourse 9 000 euros et se retrouve « en attente de soins ». Rendez-vous reculés, annulés… Dentexia joue la montre. Au final, seuls la moitié des travaux payés seront réalisés, et mal en plus. « Mon dentiste m’a dit que les implants n’étaient pas droits, que c’était une catastrophe. » Entre-temps, François Landolfini aura subi pas moins de neuf arrachages de dents. « Je vous assure, ce n’est pas simple de vivre avec ça. On peut mettre des appareils, mais ils sont insupportables. C’est comme demander à quelqu’un qui a perdu ses deux jambes de marcher en permanence avec des béquilles. »
Ancien professeur d’histoire en Seine-et-Marne, Jean-Michel Piganiol, 64 ans, et Bernadette Besnainou, 67 ans (en photo ci-dessous), ex-assistante sociale à la Sécurité sociale, ont connu peu ou prou les mêmes déboires, dans le même cabinet parisien. Lundi 9 mai, ils sont venus dire leur colère place du Trocadéro, à Paris, elle avec une pancarte autour du cou proclamant « La santé n’est pas une marchandise », lui muni d’un dessin représentant une dent qui pleure. Délestée de 4 900 euros, payés, entre-autres, avec sa prime de départ à la retraite, Bernadette dit se battre aujourd’hui « pour ceux dont la situation est pire que la mienne. Certains n’ont plus de dents, ne peuvent plus s’alimenter correctement, sont totalement déprimés et endettés jusqu’au cou » !

333629 Image 3
Photo : Denis Meyer
Car la mécanique de Dentexia était bien huilée. Pour ceux qui n’avaient pas les moyens de régler comptant les devis proposés ou hésitaient devant des sommes importantes, des solutions de financement étaient fournies clé en main par l’association, via des sociétés de crédit comme Franfinance, filiale de la Société générale, Odontolease ou la Sofemo. « Des emprunts “affectés”, dont le montant n’aurait pas dû être versé à Dentexia tant que les soins n’étaient pas faits. Or, c’était régulièrement le cas », pointe Bernadette Besnainou.
Plus grave, tout était organisé dans ces cabinets pour « vendre » un maximum de prestations. Ex-salariée « repentie » de la succursale de Vaulx-en-Velin (Rhône), celle sans doute qui accueillait les patients les moins fortunés, Isabelle, 48 ans, décrit « les pratiques de voyou » dont elle a été témoin pendant ses quatre mois sur place, en 2014. « L’objectif assigné aux conseillères cliniques, c’était au minimum 5 000 euros le devis. Mais j’en ai vu jusqu’à 23 000 euros ! Au total, il fallait faire 90 000 euros d’encaissement par fauteuil chaque mois. C’est d’ailleurs pour ça qu’on ne travaillait pas le mercredi : pour éviter les enfants. Quant aux rages de dents, on les dirigeait vers l’hôpital. » Au chômage depuis deux ans, Isabelle ne peut pas faire la fine bouche devant ce poste. Mais après quinze jours de formation à la sauce Steichen, elle doute. « On m’a demandé si je me sentais capable de vendre des plans de traitements à des gens vulnérables – ils ont utilisé le terme “vulnérables”. J’ai dit non. Du coup, il m’ont mis assistante de l’implantologue. » Et au bout de quatre mois, ciao ! « On était embauché en CDI mais avec une période d’essai de deux fois deux mois. Ça leur évitait de payer les primes de fin de CDD. Ils ne payaient pas l’Urssaf non plus. Et puis, ça a été les fournisseurs. Je me souviens qu’un jour, j’ai dû emmener moi-même des déchets médicaux dans ma voiture, parce que l’entreprise de collecte ne passait plus et que ça commençait à sentir. » Quelque temps avant la liquidation, prononcée début mars, les centres Dentexia de la Tête d’Or à Lyon et de Chalon-sur-Saône ont d’ailleurs été fermés sur motif sanitaire.

Pascal Steichen se dit victime d’une cabale des dentistes libéraux

Un dossier accablant auquel Pascal Steichen et son avocat Philippe Rudyard-Bessis, lui-même ex-praticien radié pour avoir dénoncé l’opacité des comptes de l’Ordre national des chirurgiens dentistes (ONCD), opposent un argument quasi unique : Dentexia est victime d’une « campagne de dénigrements » menée par « l’ONCD et les syndicats libéraux ». « Nos dentistes sont harcelés, ils reçoivent des SMS la nuit où on leur dit : “Si tu continues à bosser pour Dentexia, tu creuses ta tombe” », avait ainsi confié Pascal Steichen, en février, à 20  Minutes. Le prépaiement des actes ? « Aucun patient n’a jamais réglé 100 % du devis prévisionnel », assure, malgré l’abondance de témoignages, le site de défense de Dentexia (1). Les devis gonflés ? « C’était pour anticiper la découverte de nouveaux problèmes. » Les soins de mauvaise qualité ? « Les aléas thérapeutiques étaient moins fréquents chez Dentexia que chez les libéraux… »
Depuis mars, en tout cas, une soixantaine de salariés se sont effectivement retrouvés sur le carreau. La société aurait laissé 22 millions d’euros de dette (un chiffre « fantaisiste », selon Pascal Steichen), ainsi que 4 à 5 millions de soins déjà payés mais pas réalisés. Après avoir été alerté par le défenseur des droits et le collectif contre Dentexia, le ministère de la Santé a annoncé, fin avril, avoir saisi l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). Objectifs : « Récupérer et conserver les dossiers médicaux » des patients, examiner « les conditions de poursuite des soins » et les « modalités d’indemnisation des préjudices financiers et corporels », mais aussi, plus généralement, « la situation des centres de soins dentaires dits low cost », pour éviter que ce type de scandale ne se reproduise. Un point d’étape doit être fait par l’Igas, début juin, avant le rapport définitif, attendu fin juillet. Depuis début mai, des numéros verts ont aussi été mis en place dans les régions concernées. « Des mesurettes qui ne permettent pas aux victimes qui souffrent de voir le bout du tunnel », juge Abdel Aouacheria, qui réclame le déblocage d’un « fonds de secours », en attendant que les assurances prennent le relais, ainsi qu’une « expertise légale pour chaque patient », afin que d’autres praticiens acceptent de finir leurs soins. Car beaucoup ne veulent pas s’y risquer, de peur d’être tenus pour coresponsables des dégâts provoqués par Dentexia.
Pour les victimes, la vraie urgence est là, plus que dans une procédure judiciaire qui viendra sans doute plus tard. « On a fait le choix de ne pas porter plainte contre Dentexia ou les organismes financiers, car ce qui nous importe, c’est que les gens arrêtent de payer (leurs crédits – NDLR) et soient soignés », a justifié, la semaine dernière, à Lyon, Me Pascal Couturier, dont le cabinet défend quelque 400 victimes sur les 2 243 recensées en France. La voix des « sans-dents » sera-t-elle enfin entendue ?
 
Les tarifs des dentistes épinglés par un rapport. Si tant de personnes se sont retrouvées dans les griffes de Dentexia, c’est aussi à cause des tarifs prohibitifs pratiqués en libéral. Une dérive que vient de dénoncer la Cour des comptes, dans un rapport qui rappelle que 2,6 milliards d’euros restent aujourd’hui à la charge des patients. Selon ce document, le secteur serait le parfait exemple de la « faillite des politiques publiques face aux professionnels ». « Désengagement » des autorités, « manque de transparence » et « indigence des contrôles » seraient à l’origine de la santé bucco-dentaire « médiocre » des Français, selon la Cour.

1 commentaire:

  1. Je recommanderai à tous ceux qui recherchent un prêt d’affaires à Le_Meridian de m’aider avec un prêt de quatre millions de dollars américains pour lancer mon entreprise de courtepointe et c’était rapide. Obtenir un prêt de leur part était surprenant de la facilité avec laquelle ils travaillaient. Ils peuvent financer jusqu'à 500 000 000 000 USD (cinq cent millions de dollars) dans toutes les régions du monde, dans la mesure où un retour sur investissement de 1,9% peut être garanti sur les projets. Le processus a été rapide et sécurisé. C’était définitivement une expérience positive. Évitez les arnaqueurs et contactez Le_Meridian Funding Service au. info@lemeridianfds.com WhatsApp ... + 19893943740. Si vous cherchez un prêt commercial, merci.
    Leslie,

    RépondreSupprimer