« Et elle, elle vous parlait aussi de vos seins ? »
Un an de prison avec sursis a été requis, mardi, contre les deux gendarmes poursuivis devant le tribunal correctionnel de Paris pour harcèlement sexuel envers une de leurs collègues.
Elle s’est présentée à l’audience en uniforme : pantalon, chemise blanche, vareuse et parle au tribunal d’une voix forte et claire, à peine éraillée par l’émotion. Sur le banc des prévenus, ce sont deux ombres qui lui font face : en civil, l’adjudant et le maréchal des logis-chef ânonnent leurs réponses, minimisent les faits, s’étonnent encore d’être là.
Ils baissent le regard et reconnaissent quelques faits
Pendant un an, ces deux gendarmes de 37 et 38 ans ont fait vivre un cauchemar à leur jeune collègue de 23 ans à l’époque, tout juste mutée dans cette brigade de Joigny (Yonne). Insultes, brimades, propositions sexuelles. Ils ont nié durant l’enquête, mais, mardi après-midi, face à la présidente de la 10e chambre correctionnel de Paris, ils baissent le regard et reconnaissent (enfin) quelques faits.
Oui, le maréchal des logis-chef avoue quelques remarques sur la taille des seins de la gendarme. « Je pensais pas à mal, c’était dans l’échange. » « Ah bon, elle vous parlait aussi de vos seins ? » ironise la présidente. Se tournant vers la victime :
« – Il vous aurait dit un jour “C’est quand qu’on baise ?”
– C’était pas un jour, c’était tout le temps, tout le temps.
– Combien de fois ? demande la présidente qui s’agace des imprécisions de la gendarme.
– Je sais plus, peut-être 50, 70 fois. J’ai pris des antidépresseurs pour tenter d’oublier tout ça. »
« Je n’ai pas entendu un seul mot d’excuse pour la victime »
Humiliée par les remarques des gradés, la gendarme a fini par porter une brassière pour aplatir ses formes. « Comme les femmes battues », a noté dans son procès-verbal le lieutenant-commandant qui a recueilli ses confidences. Ces dernières ont permis de donner l’alerte en novembre 2013. Après plusieurs semaines d’arrêt maladie, la jeune femme a été mutée en région parisienne et les deux gendarmes mis à pied.
Alors que le maréchal des logis-chef brille par son incompétence (« J’ai déjà lu des mauvaises évaluations, mais à ce point… dira la présidente. C’est à se demander comment il a pu rester gendarme aussi longtemps. »), le deuxième prévenu fait l’unanimité pour ses excellentes qualités d’adjudant, n° 3 de la gendarmerie de Joigny à l’époque. À la barre, le « dieu vivant des OPJ » (officiers de police judiciaire) perd pourtant de sa superbe :
« – Lui avez-vous dit “fais-moi une pipe” ? l’interroge la présidente.
– Oui, c’était un dérapage.
– Vous avez évoqué un “droit de cuissage” ?
– Oui.
– Mais vous étiez son tuteur ! » s’exaspère la présidente.
« Aujourd’hui, je n’ai pas entendu un seul mot d’excuse pour la victime », regrette dans sa plaidoirie Me Maumont, l’avocate de la gendarme qui demande 55 000 euros de dommages et intérêts. Les deux prévenus risquent trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. Le maréchal des logis-chef est aussi poursuivi pour violences volontaires : à plusieurs reprises, il avait braqué son arme de service sur la jeune femme, faisant mine de lui tirer dessus. La procureure a réclamé un an de prison avec sursis pour chacun et une interdiction d’exercer, à vie pour le maréchal des logis-chef, de cinq ans pour l’adjudant. « Ce n’est pas parce que ce sont des paroles que ce n’est pas grave », a souligné la représentante du ministère public qui a dressé le portrait de prévenus « dans une toute-puissance totale ». Jugement le 5 avril.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire