jeudi 4 février 2016

Pollution automobile : des députés européens interpellent Ségolène Royale

Pollution automobile : des députés européens interpellent Ségolène Royale

Jean-Jacques Régibier
Jeudi, 4 Février, 2016
Humanite.fr

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Photo AFP/Patrick Pleul
La décision du Parlement européen de permettre, au final, le dépassement des taux de pollution des véhicules automobiles, soulève un tollé chez les défenseurs de l’environnement. Ils demandent à la ministre française de l’écologie de trancher.
Correspondant à Strasbourg. En matière d’affaires européennes, une décision peut toujours en cacher une autre. Les députés l’avaient appris à leur dépend en octobre dernier quand ils s’étaient aperçus qu’au moment où ils débattaient à Strasbourg des moyens de réduire la pollution atmosphérique en Europe, à Bruxelles, les états membres autorisaient les constructeurs automobiles à vendre des véhicules dont les émissions de gaz polluants dépasseraient les limites autorisées.
Dans un premier temps, beaucoup s’en étaient émus, rejetant l’accord passé, dans le dos des députés, entre la Commission et les états. Mais l’Europe étant un jeu qui se joue à trois ( Conseil, Commission et Parlement ), on était encore loin du coup de sifflet final. Aujourd’hui, le Parlement devait dire si oui on non, il s’opposait à la Commission européenne qui proposait d’augmenter les limites d’émission de voiture diesel jusqu’à 110%. Il a finalement refusé d’exercer son droit de veto. Par une très faible majorité, certes ( 323 à 317, et 61 abstentions ), mais une majorité néanmoins suffisante pour les constructeurs automobiles, eux, respirent un peu mieux.
 
Rappelons que ce projet d’autoriser des taux de pollution automobile supérieurs de 110%,  concerne essentiellement les oxydes d’azote ( NOx ), dont  la norme ( dite Euro 6 ) est fixée depuis septembre 2015 à 80 mg/km. Il faut se rappeler que certains constructeurs automobiles avaient demandé à pouvoir dépasser ces seuils de pollution de 200 à 300 %...
Après le scandale Volkswagen et la COP 21, ce vote du Parlement européen a donc un goût amer.
 
Pour la députée Verte/ALE Karima Delli, «  Le vote du Parlement d’aujourd’hui est une faute politique. Il est intolérable de savoir qu'après le scandale Volkswagen, les États-membres et le Commission ont cédé aux sirènes de l’industrie automobile en lui permettant de dépasser lesnormes européennes anti-pollution. Il est encore plus grave que le Parlement se déclare officiellement complice de cette supercherie en donnant son aval pour contourner une législation qu’il a lui -même contribué à mettre sur pied. « 
Même réaction du député européen Jannick Jadot ( Vert/ALE ) pour qui ce vote du Parlement montre « la puissance du lobby automobile « . Selon lui, le peu de voix qui a manqué pour que le veto soit voté, vient de quelques députés du groupe socialiste ( S&D ). Ce qui fait dire à Karima Delli que «  la grande coalition ( entre droite- PPE- et socialistes NDLR ) sape une nouvelle fois la crédibilité des institutions européennes en manquant à sa mission de protéger les citoyens des méfaits du diesel sur la santé ». Et ce, bien que les maires de capitales comme Paris, Madrid et Milan, ou d’autres grandes villes européennes, se soient mobilisés, étant les premiers à gérer les ravages de la pollution de l'air, un fléau qui cause plus de 400 000 morts prématurées par an et coûte des milliards d’euros chaque année à l’Union européenne.
Michèle Rivasi ( Verts/ALE ) qui se dit elle aussi choquée par ce vote du Parlement, rappelle que les constructeurs européens ont déjà eu presque 10 ans pour s'adapter aux nouvelles normes en matière d'émission d'oxydes d'azote, puisque le Parlement les avait votées en 2007. « Ils n'ont donc plus d'excuse, explique-telle, et le parlement aurait dû être intraitable vis-à-vis des constructeurs qui, contrairement à d'autres, n'ont pas investi dans des technologies performantes et pour des emplois durables. La décision de la Commission violait clairement la loi européenne en autorisant les constructeurs à dépasser jusqu'en 2020 de plus de deux fois les seuils fixés par la législation pour le NOx. « 
 
Pour autant, tous ces députés ne s’avouent pas vaincus. Ségolène Royale, la ministre française de l’Environnement, ayant vertement critiqué la décision de dépassement des taux de pollution quand l’affaire avait éclaté en octobre – elle avait contredit la position de ses services -, certains ont déjà prévenu qu’ils allaient l’interpeller pour que la France revienne sur cette décision.
Il reste également un recours juridique possible. Ce matin Karima Delli a affirmé que son groupe allait saisir la Cour européenne de Justice.
La bataille qui met aux prises depuis des années, sur fond de révélations et de scandales, défenseurs de la qualité de l’air, responsables politiques et constructeurs automobiles, est donc loin d’être terminée.

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